La province cambodgienne de Pursat [Pursat Province, Cambodia]
by René Morizon
A rare field research touching geology, ethnography, geography, history and economics in the Pursat area, in 1925-1933.
Type: e-book
Publisher: Paris, Les Editions Internationales.
Published: 1936
Author: René Morizon
Pages: 240
ADB Library Catalog ID: eHISMORI1
The author, who was to make this research into a doctoral thesis, first explain why the Pursat province ពោធិ៍សាត់ kindled his interest:
La monographie régionale qui fait l’objet de cet ouvrage est consacrée à l’étude d’une des quatorze résidences cambodgiennes : la circonscription de Pursat. Cette province avait joué jadis un rôle important, et par trois fois, dans l’histoire du Cambodge, les souverains kmers y installèrent leur capitale. De cette marche frontière, ils surveillaient plus aisément leurs ennemis siamois. Il né reste rien aujourd’hui de cette gloire passée, sauf quelques monuments enfouis dans la verdure. Pursat n’est plus actuellement qu’une division territoriale étendue, peu peuplée et encore mal connue. C’est pour les Français du Cambodge le pays des Phnom Krevanh, les malsaines Cardamomes (1) où s’étend mystérieuse et paradoxale la dernière « terra incognita » de l’Indochine. L’étude d’une telle région, si elle est bien faite pour tenter le géographe qui sommeille dans tout colonial, n’est pas particulièrement aisée, car les moyens d’investigation auxquels on a généralement recours dans les pays civilisés ou simplement plus évolués, font ici souvent défaut. On doit, en plus du travail de synthèse classique et inhérent aux recherches monographiques, procéder à un constant contrôle des éléments d’information. Ce sont des cartes erronées ou incomplètes dont il faut rétablir l’exactitude par une tournée sur le terrain, des statistiques dressées avec fantaisie et qu’on doit accueillir avec scepticisme, des renseignements controuvés qu’il faut recouper ou vérifier. Ajoutons à cela, qu’il n’existe guère outré-mer de ces études scientifiques très spécialisées qui, courantes en Europe, permettent dans certaines matières de partir de bases solides.
[“The regional monograph that is the subject of this work is devoted to the study of one of the fourteen Cambodian residences: the district of Pursat. This province had once played an important role, and three times in the history of Cambodia, the Khmer sovereigns established their capital there. From this frontier march, they more easily monitored their Siamese enemies. Nothing remains today of this past glory, except for a few monuments buried in the greenery. Pursat is currently nothing more than an extensive territorial division, sparsely populated and still poorly known. For the French of Cambodia, it is the country of the Phnom Krevanh [Kravanh], the unhealthy Cardamoms (1) where the last “terra incognita” of Indochina extends mysteriously and paradoxically. The study of such a region, even if it is well done to tempt the geographer who lies dormant in every colonial, is not particularly easy, because the means of investigation that are generally used in civilized or simply more advanced countries are often lacking here. In addition to the classic synthesis work inherent in monographic research, one must carry out a constant check of the information elements. These are erroneous or incomplete maps whose accuracy must be reestablished by a field trip, fancifully drawn up statistics that must be received with skepticism, fabricated information that must be cross-checked or verified. Let us add to this that there are hardly any overseas highly specialized scientific studies that, common in Europe, allow one to start from solid bases in certain subjects.”] [p 2]
The author was close to French administrator and writer Guillaume-Henri Monod, and often quoted the later’s works, with laudative words about his action as resident-general of Pursat. As general administrator of the French Civil Services in Cambodia, he devoted numerous pages to fastidiously describe the organization of the provincial administration. More interesting is his summary of the geographical research on Pursat area:
L’orographie et la géologie du Cambodge de l’Ouest sont encore fort mal connues. Cette ignorance tient à deux faits: à l’existence sur son territoire d’un relief enchevêtré et couvert de forêts impénétrables et au grand nombre de souvenirs glorieux de la grandeur khmère qui ont poussé les esprits curieux vers l’archéologie au détriment de la géographie. Le premier explorateur ayant pénétré dans la partie montagneuse de Pursat est Pavie, qui de 1880 à 1884 traverse à plusieurs reprises la Chaîne des Cardamomes. Rapportant de ses tournées une abondante moisson de renseignements précis, il manqué malheureusement, à cette époque d’expérience ; il en est à ses premiers voyages et « n’a pas encore acquis l’habitude de l’observation scientifique » (cf Lieutenant Le Nulzec, “Essai sur le plateau des Cardamomes cambodgiens, Revue La Géographie, novembre 1926, page 341.). Ses rapports conservent donc l’allure de récits et il est difficile de leur accorder un grand crédit.
Quelques années après Pavie, un officier de la Légion Etrangère, le Lieutenant Oum, d’origine cambodgienne, lève un certain nombre d’itinéraires qui serviront à établir la carte au 1⁄200.000° du Cadastre (2). Ses randonnées amènent la découverte des ruines de la forteresse de Sra-Banh-Dang, non loin de la frontière de Siam, mais n’augmentent guère la somme des connaissances géographiques.
En 1904, un jeune géologue, René De Lamothe, effectue un très long périple dans la chaîne occidentale du Cambodge et rapporte pour la première fois des informations ayant une valeur scientifique réelle. Il n’a malheureusement pas le loisir de terminer l’oeuvre à laquelle il s’est consacré et meurt au Champ
d’Honneur en 1914, sans avoir pu tirer parti du fruit de ses efforts. Il faut attendre 1928 pour voir reprendre une prospection méthodique de la Chaîne. Son exploration est confiée à J. Gubler, géologue suisse, attaché au Gouvernement Général de l’Indochine qui parcourt successivement pendant 5 ans les résidences de Kampot, de Pursat et de Battambang [then called Mongkol Borey], levant les premières cartes géologiques et collectionnant des échantillons qu’il envoie au laboratoire d’Hanoi. L’oeuvre considérable accomplie pendant ces années par M. Gubler est actuellement en cours de publication.Entre temps, des officiers ont été envoyés par l’autorité militaire en reconnaissance stratégique ou en mission. Ils rapportent quelquefois de leurs voyages, des observations pleines d’intérêt. Tel est le cas du Lieutenant-colonel Guichard Montguers qui profite en 1907 de la Commission de délimitation de la frontière franco-siamoise pour analyser la tectonique d’un coin des Cardamomes. Tel est aussi, 20 ans, plus tard, celui du Lieutenant Le Nulzec qui publie en 1926 dans la revue La Géographie la première description morphologique d’ensemble du massif montagneux de l’Ouest Cambodgien.
En dehors de ces études spéciales, trop peu nombreuses, notons que l’on trouve dans les livres de Moura et d’Aymonier quelques renseignements généraux épars et trop sommaires, et dans les rapports des administrateurs chefs de province des récits du service du Cadastre et de la Topographie du Cambodge, d’après les renseignements fournis par la mission Bernard, le Garde Principal Bugnicourt et divers autres fonctionnaires ou officiers. N’ayant pas été précédée de levés suffisants, elle est souvent incomplète voir même erronée. Il n’existait tout récemment encore en dehors de ce travail que la carte au 1⁄500.000 du Service Géographique dont l’utilisation est difficile en raison de sa petite échelle. La carte levée par M. Gubler, de 1928 à 1933, qui accompagne cet ouvrage, est donc la première carte à grande échelle du Cambodge de l’Ouest.
Rappelons enfin, qu’avant René de Lamothe et M. Gubler, un autre géologue s’était occupé partiellement de la région à laquelle est consacrée cette étude. Nous avons nommé [Anatole] Petiton qui, en 1890, parcourut le Sud de la province de Kompong Chnang et la vallée du Stung Tamyong. Nous avons, pour rédiger cet exposé, utilisé la plupart des documents dont nous venons d’énumérer les sources, mais spécialement les travaux de M. Gubler qui offrent le caractère le plus synthétique et les garanties scientifiques les plus certaines. A cette documentation livresque, nous avons ajouté des observations personnelles faites sur le terrain et recueillies au cours de cinq tournées en montagne; dans la région de Romlich (juin 1928), dans les Montagnes de Marbre (janvier 1929). Dans le Thpong et à Koskong (mars 1932) à Païlin et au Pays de Treng (décembre 1933).
[“The orography and geology of Western Cambodia are still very poorly known. This ignorance is due to two facts: the existence on its territory of a tangled relief covered with impenetrable forests and the large number of glorious memories of Khmer grandeur which have pushed curious minds towards archaeology to the detriment of geography. The first explorer to have penetrated the mountainous part of Pursat was Pavie, who from 1880 to 1884 crossed the Cardamom Range several times. Bringing back from his tours an abundant harvest of precise information, he unfortunately lacked, at that time, experience; he was on his first trips and “had not yet acquired the habit of scientific observation” (cf. Lieutenant Le Nulzec, “Essai sur le plateau des Cardamomes cambodgiens, Revue La Géographie, November 1926, page 341.). His reports therefore retain the appearance of stories and it is difficult to give them much credit.
A few years after Pavie, an officer of the Foreign Legion, Lieutenant Oum, of Cambodian origin, surveyed a certain number of itineraries which would be used to establish the 1⁄200,000° map of the Cadastre (2). His hikes led to the discovery of the ruins of the fortress of Sra-Banh-Dang, not far from the border of Siam, but hardly increased the amount of geographical knowledge.
In 1904, a young geologist, René De Lamothe, made a very long journey in the western chain of Cambodia and reported for the first time information of real scientific value. Unfortunately, he did not have the leisure to complete the work to which he had devoted himself and died in the Field of Honor in 1914, without having been able to benefit from the fruits of his efforts. It was not until 1928 that a methodical prospecting of the Chain was resumed. Its exploration was entrusted to J. Gubler, a Swiss geologist, attached to the General Government of Indochina, who successively traveled for 5 years to the residences of Kampot, Pursat and Battambang [then called Mongkol Borey], drawing up the first geological maps and collecting samples that he sent to the laboratory in Hanoi. The considerable work accomplished during these years by Mr. Gubler is currently being published.
In the meantime, officers were sent by the military authority on strategic reconnaissance or on missions. They sometimes brought back from their travels, observations full of interest. This is the case of Lieutenant-Colonel Guichard Montguers who took advantage in 1907 of the Commission for the delimitation of the Franco-Siamese border to analyze the tectonics of a corner of the Cardamoms. This is also the case, 20 years later, of Lieutenant Le Nulzec who published in 1926 in the journal La Géographie the first overall morphological description of the mountain range of Western Cambodia.
Apart from these special studies, which are too few in number, we note that we find in the books of Moura and Aymonier some scattered and too summary general information, and in the reports of the chief administrators of the province accounts of the service of the Cadastre and Topography of Cambodia, according to the information provided by the Bernard mission, the Chief Ranger Bugnicourt and various other officials or officers. Not having been preceded by sufficient surveys, it is often incomplete or even erroneous. Until recently, apart from this work, only the 1⁄500,000 map of the Geographical Service existed, which is difficult to use because of its small scale. The map drawn by Mr. Gubler, from 1928 to 1933, which accompanies this work, is therefore the first large-scale map of Western Cambodia.
Finally, let us recall that before René de Lamothe and Mr. Gubler, another geologist had partially dealt with the region to which this study is devoted. We have named [Anatole] Petiton who, in 1890, traveled through the South of the province of Kompong Chnang and the Stung Tamyong valley. In writing this report, we have used most of the documents whose sources we have just listed, but especially the work of Mr. Gubler which offers the most synthetic character and the most certain scientific guarantees. To this book documentation, we have added personal observations made in the field and collected during five mountain tours; in the region of Romlich (June 1928), in the Marble Mountains (January 1929). In Thpong and Koskong (March 1932) in Pailin and in the Country of Treng (December 1933).”]
Multi-ethnicity
La circonscription résidentielle de Pursat groupe 75.898 habitants (au 1er janvier 1934). Elle a donc environ 6 habitants au kilomètre carré. […] Au point de vue ethnique, la population globale de la circonscription comprend: 63.062 Cambodgiens (incluant 2 ou 3.000 demi-civilisés Pears affranchis depuis 1891 et classés, depuis, dans les statistiques, parmi les Khmers); 5.508 Annamites; 3.845 Chinois; 3.138 Malais ou Chams; 323 Laotiens ; 22 Européens.
Cette population est en majorité rurale et l’on né trouve qu’une agglomération de plus de 1000 âmes, le centre de Pursat-ville qui groupe 1041 habitants, se décomposant ainsi : Cambodgiens 625; Annamites 149; Chinois 248; Européens 19.
[“The residential district of Pursat has 75,898 inhabitants (as of January 1, 1934). It therefore has about 6 inhabitants per square kilometer. […] From an ethnic point of view, the overall population of the district includes: 63,062 Cambodians (including 2 or 3,000 semi-civilized Pears freed since 1891 and classified, since then, in the statistics, among the Khmers); 5,508 Annamites; 3,845 Chinese; 3,138 Malays or Chams; 323 Laotians; 22 Europeans.
This population is mostly rural and there is only one agglomeration of more than 1,000 souls, the center of Pursat-ville which has 1,041 inhabitants, broken down as follows: Cambodians 625; Annamites 149; Chinese 248; Europeans 19.”] [p 49 – 50]
Origins of the “Khmer race”
Reading this section, one can understand why the author was seen as a “superficial amateur” by the EFEO Khmerologists:
L’origine des Khmers est assez obscure. Il semble néanmoins, d’après les commentateurs javanais, chinois et hindous, que les premiers habitants du Cambodge aient appartenu à des peuplades relativement blanches, de race indonésienne, et comparables, en plus d’un point, aux Moïs, qui occupent encore de nos jours, une partie de la Chaîne Annamitique. Ces peuplades, dont l’habitat aurait été limité à l’ancienne île de Kouk Thlok (La Chaîne actuelle des Cardamomes), auraient subi l’invasion de tribus négritoïdes originaires de la Côte de Coromandel, qui chassées de leur patrie, auraient cherché refuge dans la péninsule indochinoise. Ces Négritos (qui s’appelaient eux-mêmes les Pan non, les « Sans Dieux » les « Sans Lois » et qui étaient, disent les historiens du temps des Tsin (265−419), frisés de cheveux, très laids et très noirs), se seraient mélangés aux peuplades qu’ils avaient vaincues et de cette fusion serait née une première race. L’élément hindou dont on trouve encore aujourd’hui des traces si abondantes au Pays Khmer, aurait été apporté plus tard par les Kamvujas, peuple fortement pigmenté, venu lui aussi de l’Inde, et qui aurait pénétré dans le Cambodge par le Nord-Ouest. Les Kamvujas se seraient, à leur tour, fondus dans le creuset commun et auraient imposé aux aborigènes la civilisation indienne, l’alphabet sanscrit et la religion bouddhique. Il est probable d’ailleurs que ces divers éléments ethniques né furent pas les seuls. Les légendes cambodgiennes rapportent, en effet, qu’avant l’arrivée des Kamvujas, les habitants des plaines du Mékong avaient eu à subir la conquête des Indo-Malais de Java (Les Chvea-Pream des légendes cambodgiennes) qui, étant brahmaniques, auraient répandu pour un temps leur religion.
De nos jours, la race cambodgienne né parait pas encore définitivement fixée. Elle est soumise à un actif métissage de la part des immigrés chinois, qui, peu à peu et pacifiquement, conquièrent le pays. Une nouvelle ethnie se crée, vigoureuse et prolifique, qui tend, dans les villes surtout, à remplacer l’élément pur.
[“The origin of the Khmers is rather obscure. It seems, however, according to Javanese, Chinese and Hindu commentators, that the first inhabitants of Cambodia belonged to relatively white peoples, of Indonesian race, and comparable, in more than one point, to the Mois, who still occupy today, a part of the Annamite Chain. These peoples, whose habitat would have been limited to the ancient island of Kouk Thlok (the current Cardamom Chain), would have suffered the invasion of Negritoid tribes originating from the Coromandel Coast, who, driven from their homeland, would have sought refuge in the Indochinese peninsula. These Negritos (who called themselves the Pan non, the “Godless” the “Lawless” and who were, say the historians of the time of the Tsin (265−419), curly haired, very ugly and very black), would have mixed with the peoples they had conquered and from this fusion a first race would have been born. The Hindu element of which we still find traces so abundantly in the Khmer Country today, would have been brought later by the Kamvujas, a strongly pigmented people, also coming from India, and who would have penetrated Cambodia from the North-West. The Kamvujas would have, in their turn, melted into the common melting pot and would have imposed on the aborigines the Indian civilization, the Sanskrit alphabet and the Buddhist religion. It is also likely that these various ethnic elements were not the only ones. Cambodian legends report, in fact, that before the arrival of the Kamvujas, the inhabitants of the Mekong plains had to undergo the conquest of the Indo-Malays of Java (the Chvea-Pream of Cambodian legends) who, being Brahmanic, would have spread their religion for a time.
Nowadays, the Cambodian race does not yet seem definitively fixed. It is subject to an active interbreeding on the part of the Chinese immigrants, who, little by little and peacefully, conquer the country. A new ethnic group is created, vigorous and prolific, which tends, in the cities especially, to replace the pure element.”] [p 51 – 2]
In the appendix, the author added several intriguing notations, like this one:
A‑Lê est le surnom donné au Français par les Cambodgiens. Le mot « Allez » est en effet, parait-il, celui que nous prononçons le plus souvent.
[“A‑Lê is the nickname given to the French by the Cambodians. The word “Allez!”[“Go!”] is in fact, it seems, the one we utter most often.”]
About prahok and nuoc mam
Les riverains des lacs tirent du poisson un certain nombre de sous-produits dont la valeur est égale, voire même supérieure à celle du poisson préparé. Nous voulons parler de l’huile de poisson, du nuôc mam, la saumure
nationale des Annamites, du tuk trey, le núoc mam cambodgien, du mam tôm, la saumure de crevettes, du mam ruoc, le fromage de poisson, etc…L’huile de poisson provient soit de la tête et des entrailles de certains poissons : cà dâu ou trey reach, cà tra ou trey pra, soit du corps entier de quelques espèces très huileuses : cà linh dâu ou trey leng, cà linh ban ou trey real cà bè ou trey let asey, cà mê hoi ou trey kros, cà long tong ou trey changvar.Dans l’un et l’autre cas, le procédé de fabrication est le même. Un fourneau en terre est creusé à même la berge par les pêcheurs qui y font bouillir dans des marmites les têtes, les issues ou les poissons entiers, qu’ils mélangent à un peu d’eau. Après l’ébullition, l’huile qui surnage est recueillie au moyen d’une noix de coco coupée en deux et versée dans des récipients où elle se refroidit. Les détritus sont ensuite rejetés sur les lacs où les corbeaux et les aigles pêcheurs viennent les y dévorer.
Le nuôc mam qui est le condiment national des Annamites et de nombreux peuples d’Extrême Orient, n’est pas uniquement fait avec des poissons d’eau douce. On en fabrique aussi à Phu quoc dans le golfe de Siam et sur les côtes d’Annam avec des espèces marines. Les procédés de fabrication sont assez compliqués: on dispose le poisson non vidé en couches dans des cuves, où chaque couche de poisson est séparée de la suivante par une couche de sel, celles-ci étant trois fois moins épaisses que les couches de poisson. Au bout de quelques jours d’autolyse et de fermentation combinées, un liquide jaunâtre qui est recueilli par un robinet disposé à cet effet s’amasse dans le fond de la cuve. Ce jus de poisson est ensuite soumis à l’ébullition; il devient alors grisâtre par suite de la cuisson des particules de chair en suspension qui se sépareront désormais plus facilement de la saumure. Cette séparation est réalisée par un tamisage et une décantation (note: Le nuoc mam se présente alors sous l’aspect d’un liquide incolore. Néanmoins, le nuoc mam de Pursat n’est jamais très pur par suite de sa fabrication trop rapide. Il est pour cette raison beaucoup moins apprécié que celui de Phu quoc. A Phu quoc, on né soumet pas le nuoc mam à l’ébulition, on le repasse à plusieurs reprises sur les cuves, jusqu’à épuisement complet en combinant l’opération avec des recoupages à l’eau de mer. Suivant que les nuoc mam ont plus ou moins repassé dans les cuves et sont plus ou moins dilués, ils sont classés en première, deuxième, troisième, quatrième qualité. On tient compte aussi dans les qualités, de la nature du poisson employé.).
Le prahok ou poisson fermenté s’obtient par un procédé en quelque sorte complémentaire de celui qui sert à fabriquer le nuôc màm. Le poisson décapité, salé et vidé est disposé dans de grandes jarres, où il fermente sans s’autolyser pendant quelques jours, puis on presse sa chair pour la débarrasser des liquides qui suintent ; les matières solides sont alors mises à part et pilées avec du sel. La pâte ainsi réalisée est débarrassée de son eau par une nouvelle préparation, puis torréfiée par un séchage de 10 jours au soleil. On utilise dans la fabrication du prahok des variétés de poissons bien déterminées. Les espèces les plus couramment employées sont : le cà loc ou trey ras et le cà tra ou trey pra.
[“The lakeside dwellers obtain a number of by-products from fish whose value is equal to, or even greater than, that of prepared fish. We are talking about fish oil, nuoc mam, the national brine of the Annamites, tuk trey, Cambodian nuoc mam, mam tôm, shrimp brine, mam ruoc, fish cheese, etc. Fish oil comes either from the head and entrails of certain fish: cà dâu or trey reach, cà tra or trey pra, or from the entire body of some very oily species: cà linh dâu or trey leng, cà linh ban or trey real cà bè or trey let asey, cà mê hoi or trey kros, cà long tong or trey changvar. In both cases, the manufacturing process is the same. An earthen stove is dug on the bank by the fishermen who boil the heads, offal or whole fish in pots, which they mix with a little water. After boiling, the oil that floats is collected using a coconut cut in two and poured into containers where it cools. The waste is then thrown back into the lakes where crows and fishing eagles come to devour it.
Nuoc mam, which is the national condiment of the Annamites and many peoples of the Far East, is not only made with freshwater fish. It is also made in Phu Quoc in the Gulf of Siam and on the coasts of Annam with marine species. The manufacturing processes are quite complicated: the ungutted fish are placed in layers in vats, where each layer of fish is separated from the next by a layer of salt, these being three times thinner than the layers of fish. After a few days of combined autolysis and fermentation, a yellowish liquid which is collected by a tap provided for this purpose collects at the bottom of the vat. This fish juice is then boiled; it then becomes grayish as a result of the cooking of the suspended flesh particles which will now separate more easily from the brine. This separation is achieved by sieving and decanting (note: The nuoc mam then appears as a colorless liquid. However, the nuoc mam of Pursat is never very pure due to its too rapid production. For this reason, it is much less appreciated than that of Phu Quoc. In Phu Quoc, the nuoc mam is not boiled, it is passed several times through the vats, until it is completely exhausted, combining the operation with recutting with sea water. Depending on whether the nuoc mam has passed through the vats more or less and is more or less diluted, it is classified into first, second, third, fourth quality. The nature of the fish used is also taken into account in the qualities.).
Prahok or fermented fish is obtained by a process that is somewhat complementary to that used to make nuoc mam. The decapitated, salted and gutted fish is placed in large jars, where it ferments without autolysing for a few days, then its flesh is pressed to remove the liquids that ooze out; the solid matter is then set aside and pounded with salt. The paste thus produced is freed from its water by a new preparation, then roasted by drying for 10 days in the sun. Specific varieties of fish are used in the manufacture of
prahok. The most commonly used species are: cà loc or trey ras and cà tra or trey pra.”] [p119-21]
Tags: geography, French geographers, 1920s, 1930s, Pear, forest, geology, Pursat, Tonle Sap Lake, fish, fishing, Chinese in Cambodia, Khmer-Chinese, Vietnamese in Cambodia
About the Author
René Morizon
René Morizon was a French civil administrator who wrote a monography on Cambodia for the Paris 1931 Exposition Coloniale Internationale.
His doctorate thesis dealt with La Province cambodgienne de Pursat [The Cambodian province of Pursat] (Université de Paris, Faculté des lettres, 1936). This work was deemed “superficial” by Pierre Gourou in BEFEO 36, 1936, pp. 497 – 498.