Danses d'Indochine [Dances of Indochina]

by Raymond Cogniat

An enlightening reflexion on Southeast Asian dances, and in particular on Cambodian court dance.

Cogniat danses indochine 1932 cover

Type: e-book

Publisher: Editions des chroniques du jour, G. Di Lazarro editeur, Paris.

Edition: ADB digital books

Published: 1932

Author: Raymond Cogniat

Pages: 82

Language : French

ADB Library Catalog ID: ePHOTCOGN

In his short introductory text, the author, a renowned art critic in his time, made clear that his interest in "dances of Indochina" stemmed from Cambodian dancers, and especially from the works of George Groslier (Danseuses cambodgiennes, 1913) and Sappho Marchal (Danses cambodgiennes, with Veang Thiounn, 1927) -- it is a rare instance of acknowledgment of Henri Marchal's daughter's contribution to Cambodian studies.

Introducing sixty beautifully printed photographs [some of them are separateley published here],  the text is as follows (pp 5-15). Note that the author's interest for "danced theater" was to lead him to study the work of Simon Lissim (1900-1981), a ceramics artist and theater designer who contributed to stage decors for Paris Opéra-Comique and for the 'Ballets Russes':

"De toute évidence, les danses exotiques, de quelque pays que ce soit, nous rappellent constamment les origines instinctives et rituelles de l'art chorégraphique.  C'est par ce qu'elles ont d'instinctif, dans la mesure où elles traduisent des aspirations et des sentiments plus humains, qu'elles sont un moyen d'expression puissant, un langage universel, plus directement perceptible que les autres arts. 
Si les différences de latitudes et de continents jouent, dans la danse, un rôle considérable, elles ne parviennent pas à la rendre incompréhensible d'un lieu à un autre, parce que la danse exprime des sentiments communs à toute
l'humanité. La conception de la sculpture, de l'architecture, de la peinture en Afrique ou en Asie peut laisser indifférent ou même faire sourire un Européen; en effet, cette représentation plastique correspond à un besoin d'ordre esthétique, donc variable dans son aspect, selon les tempéraments des races, et ne traduit
pas que les grands besoins physiques de l'humanité.
Si l'on veut bien tenir compte que les danses ont à leur origine deux moteurs essentiels : le combat et l'amour, on ramène la danse aux deux instincts vitaux, l'instinct de conservation et l'instinct de procréation: danses de guerre, danses de séduction. Ce sont choses communes à toute l'humanité, au même titre, avec la même force et ayant à leur disposition à peu près les mêmes moyens d'expression, dans toutes les parties du monde. Ainsi le grand public sera-t-il plus sensible à une danse étrangère qu'à une peinture ou une sculpture de ce même pays.
Mais partant de ces origines, la danse eut à satisfaire d'autres besoins de la nature humaine, besoins sentimentaux le plus souvent, qui viennent tempérer la brutalité des besoins instinctifs. La nécessité mystique intervenant superpose les rites aux gestes de passion et, plus l'évolution de la race est avancée, plus ce rite pousse loin la stylisation, au point de lui faire perdre parfois toutes ses apparences originelles.
Le geste devient un langage conventionnel, une manière de pantomime qui, dans son détail, peut ne pas être comprise par les non-initiés et qui cependant garde pour tous, même à l'insu de ses propres acteurs, une puissance suggestive due à ses origines réelles.
C'est pour cela que les danseuses cambodgiennes, si étrangères à nous et à notre sensibilité par leurs attitudes, leurs rythmes, si anormales même qu'elles nous semblent jusque dans leurs assouplissements, réussissent à nous émouvoir car nous pressentons quelle rare civilisation a conduit ces gestes, a transformé ces mouvements en attitudes quasi religieuses. Nulle part, pensons-nous, la danse n'a su conserver, avec plus d'intensité dans le raffinement extrême, ce double caractère d'expression à la fois physique et religieuse.
Avant d'arriver à cette perfection technique, le travail d'entraînement est long, difficile et douloureux. La troupe des danseuses royales du Cambodge qui est installée dans le Palais Royal se recrute chez de très jeunes enfants. Ce sont des petites filles de paysans, généralement offertes au roi par leurs familles. Depuis l'âge de six ans elles sont élevées au Palais et leurs exercices commencent lorsqu'elles atteignent huit ans. Chaque jour, pendant plusieurs heures, des
anciennes danseuses leur servent de professeurs. Par ces exercices successifs, le bec antérieur de l'olécrane du cubitus vient se creuser dans l'os jeune et tendre une plus profonde cavité. Il s'émousse lui-même. Les ligaments articulaires et les tendons des antagonistes se distendent, ce qui permet à l'articulation de s'accomplir jusqu'à des limites déconcertantes.
C'est donc par un rude travail que les danseuses arrivent à cette hyperextension des articulations qui nous étonne et pourrait prendre l'aspect désagréable d'une difformité si les mouvements et les attitudes n'avaient une grâce étrange. M. Groslier à qui il faut constamment revenir lorsqu'il s'agit du Cambodge et que nous aurons plusieurs fois l'occasion de citer, a fort bien résumé l'aspect d'irréalité de ces danses: "Aucun de ces mouvements ne procure le malaise que l'on éprouve au spectacle des dislocations des acrobates. Ils se fondent et s'enveloppent. C'est une ondulation profonde de tout l'être, un glissement. Le geste ne s'arrête pas, il se perd, se fond dans l'air. On croit qu'il est fini alors qu'il dure encore. Ne cessant pas à la dureté d'une fin d'articulation prévue, il change de caractère et
s'immatérialise."
On n'a pas manqué d'établir un rapprochement entre les mouvements de ces danseuses et ceux représentés sur les bas-reliefs du temple d'Angkor. Ce rapprochement permet de prouver que les danseuses suivent depuis des siècles les mêmes traditions et nous voyons probablement de nos jours à peu près les mêmes spectacles que ceux reproduits sur les ruines somptueuses. Nous retrouvons semblables et subsistant toujours dans les danses modernes le geste de l'offrande, celui de la prière et celui de l'adoration, c'est-à-dire les trois phases essentielles
de la pratique du culte.
Une transformation plus radicale fut celle des costumes. Les précieuses parures qui actuellement donnent aux petites danseuses des allures d'idoles couvertes d'or et de pierreries n'ont que peu de rapports avec les figures au torse nu qui forment les fresques d'Angkor-Vat. M. Groslier a démontré que ces danses étaient vraisemblablement d'origine indoue, tandis que les costumes, révélant autrefois la même source, représentent aujourd'hui l'appoint de l'influence
siamoise. Nous ne décrirons pas ces costumes anciens, nous contentant de signaler sommairement les caractéristiques essentielles du costume actuel. En vérité il n'y a pas de costume spécial pour la danse, mais une série de modèles conformes à une réalité ou à la mythologie et nettement fixés dans tous les détails, selon les rôles.
La coiffure reservee aux rôles de rois, reines, princesses ou divinités est une tiare appelée mokot. Elle est formée d'un cône surmonté d'une longue pointe. Le mokot, pour les rôles de femmes, est moins élevé que celui des hommes : en outre il comporte un diadème en forme de croissant qui encadre le haut du visage. Pour les personnages moms importants, il est remplacé, pour les femmes, par un cône tronqué, beaucoup moins élevé et terminé par une couronne de petites ailes. Il est parfois complété, a l'intérieur de cette couronne, par une pointe ou une paire d'ailes.
Enfin les fillettes ne portent que le diadème rappelant celui qui est sur le devant du mokot des reines et des princesses. Les rôles d'hommes, autres que le roi et les divinités, comportent une élégante couronne, le panathiereth, à laquelle on ajoute, pour les princes, une garniture en perles qui recouvre la nuque. Dans les rôles ne comportant pas le mokot, l'actrice porte des cheveux postiches qui lui retombent au niveau des épaules. Toutes ces coiffures ont, sur les côtés, un ornement en forme d'ailes, qui encadre les oreilles.
Quelques personnages portent un masque. Ce sont les géants ou divinités diverses, aussi les rôles masqués ont~ils toujours le mokot, sauf toutefois pour les roles de soldats qui n'ont pas de coiffure, mais dont le haut du masque représente des cheveux frisés, coupés courts. Les masques, assez lourds, sont très différents de formes et de couleurs, selon le personnage. Ils sont garnis, à l'intérieur, d'une cordelette que la danseuse maintient entre ses dents pour que le masque reste en place pendant la danse. Aucun rôle de femme n'utilise de masque.
Les costumes d'hommes (rois, princes, soldats, divinités ou géants) ont des épaulettes rigides, relevées en pointes. Un baudrier forme croisillon sur le dos et la poitrine. Pour les rôles de femmes, les costumes sont plus simples. Le sampot (pièce d'étoffe d'environ trois mètres sur quatre-vingts centimètres, que l'on drape autour des hanches) est disposé en jupe au lieu de culotte. L'essentiel du costume féminin est la longue écharpe dont une extrémité est cousue sous le bras droit.
Cette écharpe couvre la poitrine puis passe sur le bras gauche et retombe derrière en un long pan terminé par une frange d'or. Chez les servantes l'écharpe est fixée devant, au milieu de la taille, et retombe derrière en deux
pans égaux, après avoir couvert les deux épaules. Tous ces costumes, raides, chauds, sont en soie et en velours. Ils n'ont aucune agrafe et sont cousus sur fa danseuse elle-même pour chaque représentation. Leur prix étant assez élevé on les fait servir le plus longtemps possible. M. Groslier précise à ce sujet qu'une première danseuse ne met son costume qu'une dizaine de fois, mais qu'il est ensuite passé aux danseuses moins importantes et que, plus tard, il est retaillé pour être employé par les petites filles. Enfin quand il est devenu complètement inutilisable on le brûle.
La parure des danseuses se complète de nombreux bijoux. "J'ai pesé, dit encore M. Groslier, tous les bijoux d'une première danseuse, sans le mokot qui, à lui seul, pèse 870 grammes, et je suis arrivé au poids fantastique de 2 kilogs
700 grammes d'or, de diamants et de gemmes."
A cela les danseuses ajoutent des bracelets de fleurs odorantes, une grappe fleurie sur le côté du visage et un bouquet de l'autre côté. Dernière précision: le visage est maquillé en blanc (carbonate de plomb) pour fes rôles de femmes; on y ajoute du safran pour les rôles d'hommes. Les gestes, les attitudes, obéissent à des règles strictes. C'est une sorte de vocabulaire de signes qu'on ne saurait employer librement. Ces gestes varient non seulement selon les sentiments, mais aussi selon les personnages. Leur signification est précisée pour les spectateurs grâce aux paroles psalmodiées par les choeurs. Ceux-ci commentent l'action, et accusent en même temps son rythme, en
frappant en cadence avec des claquettes de bois. Chaque coup de claquettes correspond pour la danseuse à un temps très bref d'immobilité dans une position donnée, le reste _des mouvements n'étant que r enchaînement plus ou moins gracieux et souple d'une position à une autre. "A part deux bouffons, qui très rarement prennent part aux ballets royaux, jamais 'un homme ne joue de concert avec les actrices ...Il existe une soixantaine de danseurs disséminés dans le Cambodge, mais qui, s'il y a lieu, peuvent être réunis au Palais. Ils simulent les combats
épiques du Ramayana. Leur chef est le suppléant du Ministre du Palais et en même temps gardien des costumes. Leurs costumes sont faits à l'image de ceux des danseuses royales..."
Si les danseuses cambodgiennes sont, aux yeux de bien des gens, l'incarnation la plus aboutie et la plus raffinée de la danse en Indochine, elles n'en sont pas le seul aspect. L'Indochine comporte trop de peuples divers et à des stades de civilisation trop différents pour qu'ils soient tous également satisfaits par un art aussi spécial et aussi personnel. Les instincts rudimentaires des plus sauvages ne peuvent se contenter d'un art tellement idéal et tellement épuré que
tout y est symbole et ne touche que fort indirectement les sens.
En outre, dans d'autres cours, à l'exemple de celle du Cambodge, les danseurs apportent à r occasion des cérémonies officielles, des réceptions, des fêtes rituelles, un élément spectaculaire très important.
Au Laos, à Luang-Prabang, ainsi qu'à Vientiane, les danseurs royaux prouvent leur étroite parenté - par l'origine indoue-siamoise de leur art - avec les danseuses cambodgiennes. Les costumes ont entre eux de sensibles analogies,
mais en même temps appartiennent à un art moins idéal, plus sensible à l'apparat. Si à la cour du Cambodge la danse est exclusivement représentée par des femmes et, à la cour d'Annam, par des hommes, les troupes laotiennes sont mixtes.
Nous venons de dire que la danse officielle à la cour d'Annam est l'apanage des hommes. Ceux-ci sont divisés en deux groupes importants: les danseurs civils qui portent pour attributs une flûte en bois rouge et les danseurs militaires armés de la lance et du bouclier. A l'occasion de certaines cérémonies, notamment pour le Nan-Ciao, ils exécutent de véritables ballets et se livrent à des danses archaïques fort curieuses.
En dehors de ces troupes quasi officielles, il existe des troupes irrégulières, voire ambulantes, qui, avec des artistes moins exercés, participent néanmoins à des fêtes. C'est ainsi qu'aux environs d'Angkor on eut l'idée de grouper quelques jeunes paysannes et de les entraîner sous la conduite d'une ancienne danseuse royale. Lorsqu'un personnage officiel ou un visiteur de marque vient visiter les ruines du temple, on convoque ces danseuses - entre temps occupées aux soins de la vie quotidienne, dans leurs foyers respectifs - et l'on peut offrir au touriste un spectacle de danses dans le magnifique cadre d'Angkor Vat. Et la confrontation des actuelles danseuses avec leurs antiques modèles n'est pas un des moindres attraits de la représentation.
Au Tonkin plusieurs danses ont un caractère rituel et accompagnent des fêtes ou des cérémonies religieuses auxquelles participent des danseuses sacrées. Entre d'autres, la fête :des fleurs est le prétexte d'une sorte de ballet au cours duquel on utilise divers accessoires, éventails, écharpes, etc ...
Naturellement à côté des spectacles qui ont un caractère officiel, il faut tenir compte d'un grand nombre de manifestations populaires. Une des danses les plus répandues est la danse du Lion qui se pratique dans tous les villages; un personnage se place sous une tête de monstre ·et un autre tient derrière lui une traîne qui est attachée à cette tête. La danse du dragon ou de la licorne qui est également très répandue au Tonkin vient probablement de Chine et ressemble beaucoup à celle du lion, avec cette différence que la traîne est portée par un nombre beaucoup plus grand de personnages.
La danse du tigre également assez fréquente au Tonkin, mais cependant plus rare que les précédentes, est surtout pratiquée tous les ans dans le village de Phu-Giay, à l'occasion d'une grande fête qui commémore une légende populaire. C'est une danse rituelle exécutée par une femme, médium, possédée croit-on par I'esprit du tigre et dont elle imite l'aspect par son costume. La danse se fait presque sur place avec de brusques sauts.
Le village de Phon-Dang est le théâtre d'une curieuse danse du drapeau qui, elle aussi, révèle des origines rituelles. Le danseur qui l'exécute est dans des conditions spéciales de nourriture, de jeûne et d'entraînement. Il pratique
cette danse par tradition familiale, dans les fêtes publiques; il danse seul et fort longtemps devant de très nombreux spectateurs. C'est un spectacle d'un caractère à la fois religieux et guerrier dans lequel l'attribut principal est un long bambou terminé par des banderoles.
Dans un village du Delta, à Di-Trach, on connaît également une autre danse très spéciale; elle a lieu tous les ans lors de la réunion de toutes les sorcières 4qui viennent en ce lieu pour élire leur reine. Les sorcières se livrent alors à des danses fort originales, en se servant d'éventails et de bâtons. L'Annamite connaît aussi les troupes indépendantes qui sont à la disposition des riches mandarins ou qui participent à diverses fêtes, mais il ne conçoit pas comme nous que la danse puisse être une distraction individuelle. Qu'un homme et une femme dont ce n'est pas le métier dansent ensemble, lui paraît le comble de l'indécence et il juge sans indulgence nos bals populaires ou mondains.
Dans la montagne au contraire, on rencontre des races beaucoup plus primitives, chez qui la danse a conservé son caractère très instinctif. Parmi les peuples qui habitent les altitudes moyennes, aux environs de 900 mètres, les
Sa-Pho ont une danse qui ressemble beaucoup à notre bourrée auvergnate. Les Moïs qui vivent également dans la montagne, en particulier au centre et au sud, connaissent des danses populaires, danses guerrières et danses de
séduction, traduisant le primitivisme de ces races. Au Laos, les Khas se livrent à des danses, sortes de pantomimes avec psalmodies pour les Khas du Nord, danses avec accompagnement de gongs dans le Laos méridional. Enfin chez les Méos, peuple des grandes altitudes et qui, dit-on, ne descendent jamais au-dessous de 900 mètres, se perpétue ainsi que chez les Lus la tradition de curieuses figures de danses. A cela il faut ajouter certaines manifestations locales, qui tiennenl à la fois de la cérémonie et du jeu et qui pourtant, par la présentation, le rythme, le
vêtement, se rapprochent de la danse. Enfin au Laos, la danse des ancêtres nous fait inévitablement penser aux
danses nègres, avec les grands masques et les vêtements de rafia. Les masques sont d'ailleurs très curieux et partout semblables ils représentent trois personnages : Pou-Gueu, Nga-Gueu et le dragon Sing .
Ainsi par un curieux destin, la danse en Indochine semble plus que partout ailleurs représenter toutes les étapes de l'évolution de l'humanité, partant de la rep!ésentation la plus directe des grands instincts essentiels pour aboutir
après les transpositions les plus diverses, tantôt réalistes, tantôt mystiques, à cet art épuré, dépouillé de toute trivialité, de toute violence, cet art tout en symboles et en intellectualité qu'est celui des danseuses cambodgiennes.
Tous ces spectacles montrent les transformations et les déguisements qu'accepte l'instinct. Car déjà dans la danse des ancêtres sont tous les éléments et toutes les réserves, depuis le sentiment instinctif de la race jusqu'à la nécessité
de camoufler cet instinct, sous des apparences religieuses et des rites strictement prescrits.
Cela n'est-il pas aussi évident, quoique moins brutal dans les danses cambodgiennes? La distinction devient difficile à faire exactement entre ce qui est réalisme et stylisation; ce qui nous semble appartenir à la stylisation la plus absolue est peut-être ce qui touche le plus au réalisme. Ainsi les précieuses poupées que sont à nos yeux les danseuses du Cambodge ont des costumes réalistes : le mokot est copié sur celui du Roi, le costume des hommes a la même origine, celui des femmes reproduit le vêtement de noce des Cambodgiennes et celui des divinités respecte simplement les indications de la mythologie.

De ce qui précède on peut se demander si l'invention et la transposition ne sont pas plus grandes, plus audacieuses dans la danse des ancêtres. Si à la cour du Cambodge les gestes, les attitudes offrent beaucoup plus de variété et une foule de nuances qu'on ne peut prétendre rencontrer chez les peuplades primitives, c'est parce que les sentiments sont beaucoup plus subtils.
En fait cette réalité de certains détails prouve l'étroit contact qu'un art - si idéal soit-il - doit conserver avec la vie, sous peine de perdre beaucoup de sa puissance d'émotion. Mais en même temps, pour garder sa valeur suggestive
et exaltante, au meme titre qu'une manifestation religieuse, il doit, comme elle, contenter le désir de mystère du spectateur. Il doit créer des éléments qui n'étant pas directement perceptibles, n'agissent qu'à travers leur valeur symbolique.
Chez les peuplades primitives les costumes, les masques jouent ce rôle et représentent un symbolisme élémentaire.
Plus de raffinement ne saurait se satisfaire de l'accessoire vestimentaire, ainsi s'explique probablement la symbolique des gestes qui compose les danses cambodgiennes. Cela aboutit à un art infiniment plus subtil, tout en stylisation.
Pourtant il faut que ce langage irréel soit en accord avec l'apparence extérieure des acteurs. Or, nous l'avons dit, les costumes sont à peu près copiés sur la réalité. Il est vrai que ce sont des costumes assez exceptionnels. Ce qui crée
l'accord, établit un lien entre les attitudes et l'aspect des danseuses, c'est leur visage, non seulement le masque des géants et des soldats qui tout de suite introduit le spectateur dans un monde magique, mais le maquillage blanc cru
pour les rôles de femmes et teinté de safran pour les rôles d'hommes. Ce maquillage net, sans nuances, avec les sourcils dessinés au pinceau, précis comme une peinture, a exactement par son immobilité la valeur d'un masque, sans en avoir la rigidité. Il reste plus vivant et ce visage impassible maintient l'équilibre entre le réel et la légende.
L'art des danseuses cambodgiennes nous apparaît d'ailleurs plein de significations, en lui-même, et aussi par rapport aux autres arts et à la vie. Si l'on comprend combien son action peut être directe sur les indigènes, on conçoit mieux jusqu'à quelle perfection il s'harmonise avec l'art du pays, avec sa sculpture et son architecture, semblant en être l'illustration mouvante, l'idéale transcription dans la vie et dans r action, enlevant à celle-ci ce que la réalité pourrait avoir de brutal, voire d'un peu vulgaire. La danse devient ici, avec évidence, la poésie, le lyrisme du mouvement, idéalisant ses phases essentielles en le dépouillant de tout superflu et de toute banalité. Elle accentue même la valeur de ces instants par le martellement des claquettes qui, pour un temps très bref, immobilise le mouvement dans une attitude statique.
Cet art nous apparaît comme un des plus volontaires. Et ce n'est pas un médiocre sujet de méditation ou d'études qu'il nous offre. Issu des instincts les plus élémentaires, les plus physiques et les plus violents, il s'est, plus que tout
autre, transposé, trouvant là-bas dans le domaine de la danse classique un langage aussi idéal que le nôtre et cependant totalement différent."

["Obviously, exotic dances, from whatever country they originate, constantly remind us of the instinctive and ritual origins of choreographic art. This is because they are instinctive, to the extent that they translate aspirations and more human feelings, being a powerful means of expression, a universal language, more directly perceptible than the other arts.
If the differences of latitudes and continents play a considerable role in dance, they do not succeed in making it incomprehensible from one place to another, because dance expresses feelings common to all humanity. The conception of sculpture, architecture, painting in Africa or Asia can leave a European indifferent or even make a European smile; in fact, this plastic representation corresponds to an aesthetic need, therefore variable in its appearance, according to the temperaments of the races, and does not translate not just the great physical needs of the human kind.
If we take into account that dances have at their origin two essential pulsions, combat and love, we bring dance back to the two vital instincts, the instinct of preservation and the instinct of procreation: war dances, seduction dances. These are things common to all humanity, in the same way, with the same force and having at their disposal almost the same means of expression, in all parts of the world. Thus the general public will be more sensitive to a foreign dance than to a painting or sculpture from the same country.
But starting from these origins, dance had to satisfy other needs of human nature, most often sentimental needs, which temper the brutality of instinctive needs. The intervening mystical necessity superimposes the rites on the gestures of passion and, the more the evolution of the race is advanced, the further this rite pushes the stylization, to the point of sometimes making it lose all its original appearances.
The gesture becomes a conventional language, a way of pantomime which, in its detail, may not be understood by the uninitiated and which nevertheless retains for everyone, even without the knowledge of its own actors, a suggestive power due to its real origins.
This is why the Cambodian dancers, so foreign to us and to our sensitivity by their attitudes, their rhythms, so abnormal that they seem to us even in their relaxations, succeed in moving us because we sense what rare civilization has led these gestures, transformed these movements into quasi-religious attitudes. Nowhere, we think, has dance been able to preserve, with more intensity and extreme refinement, this dual character of expression, both physical and religious.
Before achieving this technical perfection, the training work is arduous and painful. The troupe of royal dancers of Cambodia which is installed in the Royal Palace is recruited from very young children. They are little daughters of peasants, generally offered to the king by their families. Since the age of six they have been raised at the Palace and their exercises begin when they reach eight years old. Every day, for several hours, former dancers serve as their teachers. Through these successive exercises, the anterior beak of the olecranon of the ulna digs into the young bone and creates a deeper cavity, dulling itself. The joint ligaments and tendons of the antagonists distend, allowing the joint to be accomplished to disconcerting limits.

It is therefore through hard work that the dancers achieve this hyperextension of the joints which astonishes us and could take on the unpleasant appearance of deformity if the movements and attitudes did not exsude such a strange grace. Mr. Groslier, to whom we must constantly return when it comes to Cambodia and whom we will have the opportunity to quote several times, has very well summarized the aspect of unreality of these dances: "None of these movements provides the uneasiness that one experiences at the spectacle of the acrobats' dislocations. They melt and envelop themselves. It is a profound undulation of the whole being, a sliding. The gesture does not stop, it gets lost, melts into the air. We believe that it is finished while it still lasts. Not ceasing at the hardness of an expected end of articulation, it changes character and becomes immaterialized."
We have not failed to establish a connection between the movements of these dancers and those represented on the bas-reliefs of the Angkor temple. This connection proves that dancers have followed the same traditions for centuries and today we probably see almost the same shows as those reproduced on the sumptuous ruins. We find similar and still existing in modern dances the gesture of offering, that of prayer and that of adoration, that is to say the three essential phases of the practice of worship.
A more radical transformation was that of the costumes. The precious adornments which currently give the little dancers the appearance of idols covered in gold and precious stones have little to do with the bare-chested figures which form the frescoes of Angkor Wat. Mr. Groslier demonstrated that these dances were probably of Hindu origin, while the costumes, formerly revealing the same source, today represent a marked additional Siamese influence7. We will not describe these ancient costumes, contenting ourselves with briefly pointing out the essential characteristics of the current costume. In truth there is no special costume for dancing, but a series of models conforming to a reality or mythology and clearly fixed in all the details, according to the roles.
The hairstyle reserved for the roles of kings, queens, princesses or divinities is a tiara called mokot. It is made up of a cone topped with a long point. The mokot, for women's roles, is lower than that of men: in addition it includes a crescent-shaped tiara which frames the top of the face. For less important characters, it is replaced, for women, by a truncated cone, much lower and ending in a crown of small wings. It is sometimes completed, inside this crown, by a point or a pair of wings.
Finally, the little girls only wear the tiara reminiscent of the one on the front of the mokot of queens and princesses. The roles of men, other than the king and the divinities, include an elegant crown, the panathiereth, to which is added, for princes, a pearl trimming which covers the nape of the neck. In roles not involving the mokot, the actress wears artificial hair that falls to shoulder level. All these hairstyles have, on the sides, an ornament in the shape of wings, which frames the ears.
Some characters wear a mask. These are the giants or various deities, so the masked roles always have the mokot, except for the roles of soldiers who have no hairstyle, but whose top of the mask represents curly hair, cut short. The masks, which are quite heavy, are very different in shape and color, depending on the character. They are lined on the inside with a cord that the dancer holds between her teeth so that the mask stays in place during the dance. No female role uses a mask.
Men's costumes (kings, princes, soldiers, divinities or giants) have rigid shoulder pads, raised into points. A cross-shaped harness on the back and chest. For female roles, the costumes are simpler. The sampot (piece of fabric approximately three meters by eighty centimeters, which is draped around the hips) is arranged as a skirt instead of breeches. The essential part of the female costume is the long scarf, one end of which is sewn under the right arm.
This scarf covers the chest then passes over the left arm and falls behind in a long section ending with a gold fringe. Among the servants the scarf is fixed in front, in the middle of the waist, and falls behind in two equal sides, after having covered both shoulders. All these costumes, stiff and warm, are made of silk and velvet. They have no staples and are sewn on the dancer herself for each performance. Their price being quite high, they are used for as long as possible. Mr. Groslier specifies on this subject that a first dancer only puts on her costume around ten times, but that is then passed to less important dancers and that, later, it was resized to be used by little girls. Finally, when it has become completely unusable, it is burned. The dancers' adornment is completed with numerous jewels. “I weighed,” says Mr. Groslier, “all the jewels of a first dancer, without the mokot which, alone, weighs 870 grams, and I arrived at the fantastic weight of 2 kilos 700 grams of gold, diamonds and gems."

To this the dancers add bracelets of fragrant flowers, a flower cluster on the side of the face and a bouquet on the other side. Last clarification: the face is made up in white (lead carbonate) for the female roles; saffron is added for the male roles. Gestures and attitudes obey strict rules. It is a sort of vocabulary of signs that cannot be used freely. These gestures vary not only according to feelings, but also according to the characters. Their meaning is clarified for the spectators thanks to the words chanted by the choirs. These comment on the action, and at the same time emphasize its rhythm, striking rhythmically with wooden clappers. Each tap dance stroke corresponds for the dancer to a very brief time of immobility in a given position, the rest of the movements being nothing more than a more or less graceful and flexible sequence from one position to another. "Apart from two jesters, who very rarely take part in the royal ballets, no man ever performs in concert with the actresses...There are around sixty dancers scattered throughout Cambodia, but who, if necessary, can be gathered at the Palace. They simulate combat
epics from the Ramayana. Their leader is the deputy of the Minister of the Palace and at the same time guardian of costumes. Their costumes are made in the image of those of the royal dancers..."
If Cambodian dancers are, in the eyes of many people, the most accomplished and refined incarnation of dance in Indochina, they are not the only aspect of it. Indochina has too many diverse peoples and at too different stages of civilization for them all to be equally satisfied by such a special and personal art. The rudimentary instincts of the wildest cannot be satisfied with an art so ideal and so refined that everything is a symbol and only touches the senses very indirectly. Furthermore, in other courts, like that of Cambodia, the dancers bring to the occasion of official ceremonies, receptions, ritual festivals, a very important spectacular element.
In Laos, in Luang-Prabang, as well as in Vientiane, the royal dancers prove their close relationship - through the Hindu-Siamese origin of their art - with the Cambodian dancers. The costumes have sensitive similarities between them, but at the same time belong to a less ideal art, more sensitive to pageantry. If at the court of Cambodia the dance is exclusively represented by women and, at the court of Annam, by men, the Laotian troupes are mixed.
We have just said that the official dance at the court of Annam is the prerogative of men. These are divided into two large groups: civilian dancers whose attributes are a red wooden flute and military dancers armed with spears and shields. On the occasion of certain ceremonies, notably for Nan-Ciao, they perform real ballets and engage in very curious archaic dances.
Apart from these quasi-official troupes, there are irregular troupes, even traveling troupes, which, with less experienced artists, nevertheless participate in festivals. This is how, around Angkor, they came up with the idea of grouping together a few young peasant women and training them under the guidance of a former royal dancer. When an official or a distinguished visitor comes to visit the ruins of the temple, these dancers are summoned - meanwhile busy with the care of daily life, in their respective homes - and the tourist can be offered a dance show in the magnificent setting of Angkor Wat. And the confrontation of current dancers with their ancient models is not one of the least attractions of the performance.

In Tonkin, several dances have a ritual character and accompany festivals or religious ceremonies in which sacred dancers participate. Among other things, the flower festival is the pretext for a sort of ballet during which various accessories, fans, scarves, etc. are used.
Naturally, alongside shows which have an official character, we must take into account a large number of popular events. One of the most widespread dances is the Lion dance which is practiced in all villages; a character places himself under a monster's head and another holds behind him a train which is attached to this head. The dragon or unicorn dance which is also very widespread in Tonkin probably comes from China and is very similar to that of the lion, with the difference that the train is carried by a much larger number of characters.
The tiger dance, also quite common in Tonkin, but rarer than the previous ones, is especially practiced every year in the village of Phu-Giay, on the occasion of a major festival which commemorates a popular legend. It is a ritual dance performed by a woman, a medium, possessed, it is believed, by the spirit of the tiger and whose appearance she imitates through her costume. The dance is done almost on the spot with sudden jumps.
The village of Phon-Dang is the scene of a curious flag dance which also reveals ritual origins. The dancer who performs it is under special conditions of food, fasting and training. He practices
this dance by family tradition, in public festivals; he dances alone and for a long time in front of many spectators. It is a spectacle of both religious and warlike character in which the main attribute is a long bamboo ending in banners.
In a Delta village, in Di-Trach, we also know another very special dance; it takes place every year during the meeting of all the witches who come to this place to elect their queen. The witches then perform very original dances, using fans and sticks. The Annamite also knows the independent troupes which are at the disposal of the rich mandarins or which take part in various festivals, but he does not understand like us that dancing can be an individual distraction. For a man and a woman whose profession is not to dance together seems to him the height of indecency and he judges our popular or society balls without indulgence.
In mountainous areas, on the contrary, we encounter much more primitive races, among whom the dance has preserved its very instinctive character. Among the peoples who inhabit medium altitudes, around 900 meters, the
Sa-Pho have a dance that looks a lot like our Auvergne-based Bourée. The Moïs who also live in the mountains, particularly in the center and the south, know popular dances, war dances and dances of
seduction, reflecting the primitivism of these races. In Laos, the Khas engage in dances, a sort of pantomime with chanting for the Khas of the North, dances with the accompaniment of gongs in southern Laos. Finally, among the Meos, people of great altitudes and who, it is said, never descend below 900 meters, is perpetuated as among the Lus the tradition of curious dance figures. To this we must add certain local events, which are both ceremony and game and which nevertheless, by the presentation, the rhythm, the clothing, get closer to dance. Finally in Laos, the dance of the ancestors inevitably makes us think of Negro dances, with large masks and rafia clothing. The masks are also very curious and similar everywhere they represent three characters: Pou-Gueu, Nga-Gueu and the dragon Sing.
Thus by a curious destiny, dance in Indochina seems more than anywhere else to represent all the stages of the evolution of humanity, starting from the most direct representation of the great essential instincts to achieve
after the most diverse transpositions, sometimes realistic, sometimes mystical, to this refined art, stripped of all triviality, of all violence, this art full of symbols and intellectuality which is that of the Cambodian dancers.
All these shows show the transformations and disguises that instinct accepts. Because already in the dance of the ancestors are all the elements and all the reserves, from the instinctive feeling of the race to the necessity
to camouflage this instinct under religious appearances and strictly prescribed rites.
Isn't this also evident, although less brutal, in Cambodian dances? The distinction becomes difficult to make exactly between what is realism and stylization; what seems to us to belong to the most absolute stylization is perhaps what touches the most on realism. So, the precious dolls that are in our eyes the dancers of Cambodia have realistic costumes: the mokot is copied from that of the King, the men's costume has the same origin, that of the women reproduces the wedding clothing of the Cambodian women and that of the divinities simply respects the indications of mythology.

From the above, one can wonder whether invention and transposition are not greater, more daring, in the dance of the ancestors. If at the court of Cambodia gestures and attitudes offer much more variety and a host of nuances than one can pretend to encounter among primitive peoples, it is because the feelings are much more subtle. In fact this reality of certain details proves the close contact that an art - however ideal it may be - must maintain with life, under penalty of losing much of its emotional power. But at the same time, to keep its suggestive value and exhilarating, in the same way as a religious manifestation, it must, like it, satisfy the spectator's desire for mystery. It must create elements which, not being directly perceptible, only act through their symbolic value.
Among primitive peoples, costumes and masks play this role and represent elementary symbolism.
More refinement cannot be satisfied with clothing accessories, which is probably why the symbolism of the gestures that make up Cambodian dances can be explained. This results in an art that is infinitely more subtle, all stylized.
However, this unreal language must be in agreement with the external appearance of the actors. Now, as we have said, the costumes are more or less copied from reality. It is true that these are quite exceptional costumes. What creates harmony, establishes a link between the attitudes and the appearance of the dancers, it is their face, not only the mask of the giants and the soldiers which immediately introduces the spectator into a magical world, but the raw white makeup for women's roles and tinged with saffron for men's roles. This clean makeup, without nuances, with eyebrows drawn with a brush, precise as a painting, has exactly the value of a mask through its immobility, without having the rigidity. He remains more alive and this impassive face maintains the balance between reality and legend.
The art of Cambodian dancers appears to us to be full of meaning, in itself, and also in relation to other arts and to life. If we understand how direct its action can be on the natives, we can better understand to what extent it harmonizes with the art of the country, with its sculpture and its architecture, seeming to be its moving illustration, the ideal transcription in life and in action, removing from it what reality could have that is brutal, or even a little vulgar. Dance here clearly becomes the poetry, the lyricism of the movement, idealizing its essential phases by stripping it of all superfluity and all banality. It even accentuates the importance of these moments by the clappers' sound which, for a very brief time, immobilizes the movement in a static attitude.
This art appears to us to be one of the most voluntary. And it is not a mediocre subject for meditation or study that he offers us. Coming from the most basic, most physical and most violent instincts, it was, more than anything
other, transposed, finding there in the domain of classical dance a language as ideal as ours and yet totally different."

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About the Editor

Raymond COGNIAT

Raymond Cogniat

Raymond Cogniat (14 April 1896, Paris- 20 Feb. 1977, Paris, France) was a French art critic, historian of art and journalist who authored in 1932 Danses d'Indochine, a commented collection of photographs with a focus on Cambodian classical dance.

Active since 1918 in the field of avant-garde theater as a member of Théâtre de l'Atelier, he began writing on arts (theater, dance, visual arts) in Comœdia and Revue de l'Amérique latine reviews, and as a literary critic for Chantecler between 1925 and 1932. Editor-in-chief of Le Monde illustré (1932-1938), Beaux-Arts (1933-1940) and Prisme des arts (1956-1976), he also founded the magazine Arts (1945-1951), and was the art critic of Le Figaro newspaper from 1957 to 1976.

Principal Inspector of Fine Arts from 1943 to 1966, he was the curator of the French pavilion at the Venice Biennale, and contributed to the creation of the Paris Biennale in 1959 as general delegate appointed by then French Minister of Culture and Fine Arts André Malraux.

Founder of the Syndicat des professionnels de la presse artistique in 1948, Raymond Coignat presided over the First International Symposium of AICA (Association internationale des critiques d’art, International Association of Art Critics).

Publications

  • Décors de Théatre, Paris, Editions des Chroniques du Jour, 1930.
  • Danses d'Indochine, Paris, Editions des Chroniques du Jour, G. Di San Lazzaro editeur, 1932.
  • Simon Lissim (with G. Lechevallier-Chevignard and Louis Réau, Paris, Éditions Du Cygne, 1933.
  • De la mise en scène: essai d'esthétique du théâtre, Paris, 1947.
  • The century of the impressionists, London: Clematis Press, 1960. Translated by Graham Snell from Le siècle des impressionistes, Paris, Flammarion, 1959.
  • Raoul Dufy, New York: Crown, 1962. Tr. by Thomas L. Callow from the French edition Raoul Duffy, Paris, Éditions Braun & Cie, 1950.
  • Cinquante ans de spectacles de France. Les decorateurs de theatre, Paris, Librarie theatrale, 1955.
  • Seventeenth-century painting, London: Weidenfeld & Nicolson, 1964. Tr. by Frances Partridge.
  • XXth century drawings and water-colors, New York, Crown Publishers, 1966. Tr. by Anne Ross from the French edition Dessins et aquarelles du XXe siècle, Paris, Librarie Hachette, 1966.
  • Monet and his world, London, Thames & Hudson, 1966. Tr. by Wayne Diles from the French.
  • Romanticism, London, Heron, 1968. T. by Joan White from the French edition Le romantisme, Lausanne, Editions Rencontre, 1966.
  • Braque, New York, Crown Publishers, 1970. Tr. by Eileen B. Hennessy from the French edition Braque, Paris, Éditions Braun & Cie, 1970.
  • Georges Braque, New York,  Harry N. Abrams, 1980. Tr. by I. Mark Paris from the French edition G. Braque, 1976.
  • Sisley, New York, Crown Publishers, 1978. Tr. by Alice Sachs from the French Sisley, Paris: Flammarion, 1978.
  • In 1999, the editors of Encyclopaedia Britannica added a notice on artist Pierre Auguste Renoir authored by Raymond Cogniat.