Quinze jours au Cambodge [A Fortnight in Cambodia]
Subtitle: "Moeurs, Coutumes, Superstitions, Légendes: Excursion dans les provinces de Roléia-Paier et Compong-Leng".
Publication: Société Languedocienne de Géographie (3 installments, June, September and October 1884)
Published: 1883
Pages: 126
Language : French
This rare account on rural Cambodia and Phnom Penh in 1879 and 1882, published in the bulletin of Société Languedocienne de Géographie in 1884, was signed by “MM. L.C. Roux et J.M. Vidal, Officiers du Corps de Santé de la Marine (Souvenirs intimes).” So far, we’ve been unable to find out biographical information on them, especially J.M. Vidal who penned the essay, except that they were based in Tonkin and apparently came to Cambodia at the invitation of Dr. Hahn, then personal physician of King Norodom I, respectfully called លោកគ្រូពេទ្យ (Lok Kru Pet, ‘Mister Doctor’) by the Cambodian people.
In addition to giving the earliest description of the “Maison de Fer” (Iron House) at Phnom Penh Royal, this elegant and enigmatic pavilion which remains the only structure surviving from the 1866 – 1880 version of the Palace, the authors share some important observations about the court life and the mores of Cambodia:
Origin of the Cambodian people
“Les Cambodgiens paraissent remonter très haut dans l’histoire. 1°Le roi dit à qui l’interroge là-dessus, qu’il est de tradition dans la famille royale qu’elle descend de Bénarès, dans l’Inde. 2° Il existe dans l’Inde Brahmanique une légende qui parle d’un Rajah qui leva une armée de Scythes et de Kampoutchées or, ce nom Kampoutchées existe sur un cachet du roi actuel. 3° On sait que les Chinois entretenaient des relations avec les rois du Cambodge. Or, les annales chinoises parlent d’une ambassade qui raconte qu’en l’an 20 avant le Christ les eaux des lacs baignaient Angkor; donc Angkor existait alors. 4° Les annales de Ceylan disent qu’avant l’an 105 après le Christ, les Kampoutchées ou Cambodjias firent une invasion dans l’Inde et battirent les Indiens.” [“The Cambodians seem to go back very far in history. 1° The king says to anyone who questions him about this, that it one oral tradition in the royal family states that they descend from Benares, in India. 2° There is a legend in Brahmanical India which speaks of a Rajah who raised an army of Scythians and Kamputchaea, and this name Kamputchaea exists on a stamp of the current king. 3° We know that the Chinese maintained relations with the kings of Cambodia. Moreover, the Chinese annals mention an embassy accounting that in the year 20 before Christ the waters of the lakes bathed Angkor; therefore Angkor existed then. 4° The annals of Ceylon say that before the year 105 AD, the Kamputchaea or Cambodians invaded India and defeated the Indians.”]
King Norodom in the 1870s-1880s
“Le roi Norodom Ier, qui est âgé de 46 ans, a une taille au-dessous de la moyenne. Sous un front large et fuyant, brille un regard vif et curieux, miroir de son intelligence, car le roi passé pour être le plus habile de son royaume le reste do sa physionomie appartient au type cambodgien. D’ordinaire, Sa Majesté est très polie et très affable avec les Européens et surtout avec les officiers de toute arme qui viennent le voir. Dans la conversation, il saisit souvent le sens de la phrase de son interlocuteur avant que l’interprète lui en ait donné la traduction. Beaucoup de mots
de notre langue lui sont familiers, et peut-être affecte-t-il un peu quelquefoisde né point vouloir faire une réponse en français. […] « C’est bizarre, fit tout à coup Sa Majesté, la température s’élève de plus en plus. Il y a quelque soixante ans, paraît-il, au dire de mes vieux serviteurs, il faisait froid à Phnom-Penh à certaines époques de l’année mais, certes, les temps sont bien changés. J’ignore quelle en est la cause, et suis conséquemment tres embarrassé pour répondre là-dessus aux questions de certains de mes mandarins qui, beaucoup plus vieux que moi, ont pu constater ce changement. » J’écoutais avec attention la traduction de ces quelques mots, quand le Dr Hahn, me poussant légèrement du coude, me dit tout bas « Cherchez donc une raison à cela, et donnez-la au roi vous lui ferez grand plaisir. » « Vous n’y pensez pas, repris-je interloqué, quelle bonne raison voulez-vous que je donne ?.. Et comme il insistait et que le roi m’observait avec une vive curiosité, je bravais la situation à mes risques et périls et jetais à tout hasard l’explication suivante. Me tournant alors vers M. Faraut: « Veuillez, je vous prie, dire à Sa Majesté que nous avons pu remarquer en France des perturbations analogues survenues dans l’état atmosphérique, et que, dans certaines régions où la sécheresse persiste aujourd’hui, contrairement à ce qui se passait autrefois, d’aucuns attribuent l’absence des pluies aux nombreuses coupes de bois qu’on y fait. Si l’on rapproche l’absence des pluies du
manqué de froid, né faudrait-il pas voir peut-être dans la production de ce phénomène la même cause ?»
Quand M. Faraut eut achevé, en souriant, cette tirade explicative à brûle-pourpoint, le roi eut un soubresaut et put s’écrier, en son langage « Eurêka M. Vidal a trouvé, M. Vidal a dit vrai. En effet, en telle et telle année, on fit pour construire tel et tel village (et ici le roi citait les localités) des coupes énormes. Les alentours de Phnom-Penh, qui étaient alors recouverts de grandes forêts, en sont complètement dépourvus aujourd’hui. J’ai souvent entendu dire cela et je suis très content de cette explication. Quand mes mandarins me redemanderont la chose, je leur répondrai ce que vient de me répondre M. Vidal, qui a dit vrai !»
Au debut de la conversation,le roi nous avait offert des cigares, et je pus remarquer qu’il se faisait un véritable plaisir de nous présenter une allumette enflammée pour y mettre feu. De temps en temps et sur un signe, des femmes venaient apporter différents objets, des cigarettes entre autres, fabriquées dans le harem par les nombreuses prisonnières. Les femmes qui approchaient du roi en ce moment étaient certainement des premières favorites,
fort remarquables d’ailleurs, autant qu’il m’en souvient. Quand nous eûmes fumé plusieurs cigares, la nuit venant, nous prîmes congé du roi, qui, loin de languir en notre société, cherchait à nous retenir davantage.
Le roi actuel, dont l’avènement au trône eut lieu en juin 1864, reçut à cette époque une série de titres qu’on trouve en tête de bien des édits, documents ou actes ofliciels rédigés depuis à la Cour de Phnom-Penh. Cette longue suite de noms cependant né figure que dans les écrits qui ont une importance marquée, car le plus souvent on se contente de mentionner une partie de ces titres, que nous donnons ici en entier:
Barômmà Néeth Prèa-Bat Somdach Préa Norôudâm Barômmà Reemà Tévàtana Kunnasa Santhorit Mahé Savora Thùppedèy Serey Sâurioûvông Norpùthapông Dâmrâng Réas Barômma Néeth Maha Kâmpoûchéa Thùppedintho Sappasèllapà Presàt Thu Sat That Satha Por Prùmma Mor Amnôi Chey Chéa Mahé Savaria Thùppedèy Ney Patha Pîchùl Sokala Kâmpoù Nachàhk Aka Maha Baras Réecht Vivatha Néa Térek Êk Audâm Barômmà Bapit Prèa Chau Krông Kâmpoûchéa Thùppedèy Chéa Ammechàs Chivit Leeuh Thbaûng.
Voici quelle serait la signification qu’on pourrait attribuer à cette litanie: Celui qui est le suprême refuge, l’être aux pieds sacrés, Seigneur, personne illustre entre les grands, excellent, parfait Rama, descendant dos esprits célestes beau et glorieux fils du soleil. resplendissant conducteur des peuples, glorieux. illustre, parfait et sacré, empereur de l’immense capitale de Kâmpoûchéa qui est le maître des âmes placé au-dessus des têtes.
« Les titres du prince cadet, dit Jeanneau [Gustave Janneau, a French teacher who was a pioneer in Cambodian studies], sont pour le moins aussi emphatiques, et l’on y retrouve la même prétention traditionnelle à une origine divine, qui, depuis l’origine des sociétés humaines, a toujours chatouillé agréablement la vanité des rois enivrés de puissance. Malgré la diversité des formules hyperboliques qui encadrent le plus souvent cette étrange aberration, elle reste au fond toujours la même. Destinée à durer aussi longtemps
que le pouvoir absolu, elle né disparaîtra qu’avec le dernier roi du dernier royaume, et se transmet sans varier, en
dépit du temps et de la distance, de Sésostris au roi soleil, de Nabuchodonosor à Alexandre-Sabas, de Jules César à. Norodom. […]
“Le roi est très curieux de sa nature entre autres choses, il s’intéresse ou paraît s’intéresser aux questions de notre politique et dela politique européenne. L’étude de l’astronomie, sur laquelle les Cambodgiens en général paraissent avoir quelques notions, a pour lui de grands attraits. Enfin, le temps qu’il n’emploie pas aux affaires de son royaume, le roi le passé dans son harem au milieu de ses femmes, à dormir ou à fumer l’opium. A ce propos, disons que le sommeil du roi est sacré malheur à qui se permettrait de réveiller par un bruit quelconque, fût-il involontaire, le monarque endormi.
“Le mot Norodom n’est point le nom propre du roi actuel, c’est un de ses titres nombreux cités plus haut et dont la signification né saurait être mieux rendue que par la périphrase latine Magnus inter Magnos. Pour pouvoir bien en rendre la prononciation, il devrait s’écrire Noroudam, en ayant soin de donner à la lettre (A) un son sourd se rapprochant de l’(O). Les jeunes princes cambodgiens ont un nom propre qu’ils perdent vers l’âge de la puberté, à l’époque où on leur rase la tête. Cette opération, qui forme étape dans leur existence, est une cérémonie qui s’accomplit avec pompe. Ce nom qu’on leur a donné étant enfant né doit plus leur être appliqué, et, si le prince devient roi, cette appellation, non seulement né doit plus lui être donnée, mais encore personne né peut la recevoir ni la prononcer sans être susceptible d’encourir la peine du rotin ou de l’emprisonnement. Il y a eu maints exemples Louchant ces faits et dans lesquels ces peines ont été infligées.
“Le nom propre de Norodom est Chrelâng, qui, dit Jeanneau, sert à désigner en langue cambodgienne un poisson d’une espèce fort commune auquel on n’appliqué ce nom Chrelâng que lorsqu’il est jeune, et qui prend successivement aux deux dernières périodes de sa croissance les noms de Trey-Khnoûch et de Trey-Prelûng. De ces trois noms, qui désignent un seul et même poisson, les deux derniers seulement peuvent être et continuent à
être employés depuis l’avènement du roi actuel. […]
“Le harem contient, dit-on, près de deux cents femmes de nationalités diverses, et au milieu desquelles dominent les Siamoises. Ces femmes né sortent que très rarement. Deux ou trois fois dans l’année, à époques fixes, elles se rendent en voiture à la pagode; d’autre part, dans les jours de fêtes et lorsque Sa Majesté ‑le veut bien, elles font partie de sa suite. Dans ces sorties, elles se parent de tous leurs bijoux et de leurs plus riches costumes. Beaucoup de ces malheureuses sont achetées à grand prix par des trafiquants attachés pour ce service à la personne du roi, ou quelquefois, mais d’une façon, tout exceptionnelle, il faut le dire, réquisitionnées et bien plus économiquement. […] Le roi a des gardiens pour son harem (les Kromowans), qui veillent jour et nuit et accompagnent toute personne, homme ou femme, qui par hasard, a obtenu le droit d’y entrer. Ce droit né résulte que d’un ordre du roi et devient fort rare pour les hommes.”
Bakus
[The authors have been guided by previous studies authored by Gustave Janneau and Adhémard Leclere.]
“Il est une autre espèce de gardiens [du palais] qui portent le nom de Bakous ce sont les gardiens des cendres des rois et de l’épée sacrée du royaume. Ils sont les conseillers de Sa Majesté pour le cérémonial à observer dans les grandes fêtes. Ils né se rasent point la tête et portent leurs cheveux longs et retroussés, réunis en un petit chignon au-dessus de la nuque. Ils né se marient qu’entre eux et constituent une petite caste vivant dans l’enceinte du palais royal. Jusqu’à ce jour, il a été à peu près impossible d’obtenir de leur part aucun renseignement on croit qu’ils
professent la religion brahmanique et qu’ils sont venus de l’Inde à la suite des Kampouchéas ou premiers Cambodgiens. C’est alors que, n’ayant pas voulu embrasser le Bouddhisme, ils auraient été constitués, par les rois cambodgiens, dépositaires des vieux usages de l’Inde.”
[Royal Cremation] “Les cendres des rois cambodgiens crémés sont conservées dans des urnes d’or, sous un pavillon à ce consacré, situé dans l’enceinte du palais royal. Une ou deux fois par an, les cendres du père du roi actuel sont promenées en grande pompe à travers les rues de la capitale. Un mandarin portant sur ses bras un faisceau de rotins ouvre la marche, suivi à quelques pas de trois autres mandarins portant des faisceaux de sabres. Un orchestre complet vient ensuite, précédant le brancard sur lequel est l’urne en or qui contient les cendres, à l’abri d’un grand parasol jaune, ce brancard est porté par six individus. Enfin, et fermant le cortège, viennent encore trois mandarins porte-sabres et un mandarin porte-rotins. Tout cet ensemble défile entre deux rangées de Bakous tenant à la main un fil de coton blanc non interrompu, que les mauvais esprits, les Nactas, né sauraient franchir.”
[Water Festival] “Pendant les trois jours que durent ces fêtes, et à deux reprises (14, 15 et 16 octobre et novembre), le roi n’habite plus son palais. Il reste jour et nuit sur le fleuve, dans des bateaux dont l’avant représente une énorme tête de dragon toute dorée et la gueule entr* ouverte. Ces barques, d’une certaine grandeur, sont garnies de toitures et fort richement ornementées. Autour d’elles, se tiennent, dans des maisons élevées sur radeaux de bambous, les femmes de Sa Majesté. Deux petites pirogues montées par des Bakous habillés tout de rouge et dont la coiffure ressemble à nos bonnets de nuit, sont mouillées à 60 mètres des barques royales et séparées l’une de l’autre par une distance de 150 mètres environ; un fil de coton blanc est tendu d’une de ces pirogues à l’autre. C’est durant ces trois jours qu’ont lieu toutes sortes de jeux sur les eaux du fleuve, où l’on peut voir flotter des pirogues de 40 mètres de longueur, creusées dans un seul tronc d’arbre et montées par une cinquantaine de rameurs.[…] Or, le fil de coton blanc qui relie les barques des Bakous n’est point là seulement pour arrêter les eaux, mais aussi et surtout pour accumuler contre lui toutes les choses mauvaises et nuisibles, tous les Nactas de la création, qui, réunis à la fin du troisième jour et chassés par les huées du peuple et des bateliers, finissent par prendre la fuite dès qu’on vient à le couper.”
Elephants
“Les éléphants domestiques du Cambodge sont presque en totalité la propriété du roi, qui en possède environ deux cents. Ils vivent en troupe à deux journées de marche de la capitale, sous la conduite de nombreux gardiens et au milieu de gras pâturages. Au moindre appel du Ministre de la Guerre, qui en est tout spécialement chargé, ces animaux viennent à Phnom-Penh. Chacun d’eux a son guide propre, son père nourricier, qu’il connaît et lequel a grand empire sur lui. Ce sont les cornacs, esclaves héréditaires qui forment caste dans le royaume, comme nous le verrons plus loin, qui sont exclusivement attachés à la conduite, à la garde et à l’éducation des éléphants. Leur bagage instructif se compose de quelques mots et d’un bâton affectant les formes suivantes:
1. Un manche D en bois ou quelquefois en hane contournée et à côtes; 2. Une armature en fer A, dans laquelle s’emmanche le morceau ou la poignée de bois. La pointe B, légèrement quadrangulaire à son milieu, sert à activer la marche de l’animal, la pointe C, également quadrangulaire à son milieu, est très acérée elle sert à le retenir ou à le
contenir. Cette pointe s’apphque entre la base des sinus frontaux et la naissance de la trompe. Ces courbes gracieuses rappellent vaguement, et en tout cas excessivement amoindries, les courbes brusques et gigantesques d’une trompe d’éléphant. On né voit rien d’extraordinaire à ce que ces peuples, ornant de trompes d’éléphants
les toits des pagodes et des demeures royales, aient voulu donner à cet instrument cette forme particulière, rappelant par ses contours une partie du corps de l’animal, la tête, sur laquelle ils agissent pour l’éduquer.
“Mais ce crochet de fer né suffirait point pour faire comprendre à l’éléphant les diverses manoeuvres qu’il peut avoir à exécuter dans l’exercice qui lui incombe. La voix du cornac supplée alors à l’impuissance de l’objet, et voici de quoi se compose son mince vocabulaire. Quand le conducteur prononce sur un ton nasillard le mot Haôu, l’animal s’arrête; ce mot est l’équivalent de Stop. Il est exclusivement réservé pour les éléphants et né s’emploie dans
aucun autre cas. La langue cambodgienne est pleine de mots réservés à tel ou tel usage. Lorsqu’il y a sur le sol un obstacle, un trou, une ornière, un passage difficile ou une racine d’arbre en travers de la route, le cornac prononce le mot Chung. Ce mot signifie pied. Le cornac, en le prononçant, entend dire à son animal Fais attention à tes
pieds Si l’obstacle est mobile et d’un poids convenable, l’éléphant le saisit avec sa trompe et l’écarté de la voie. Si l’objet est immobile, il sonde également avec sa trompe et, s’avançant avec lenteur, le contourne.
Enfin il existe un troisième et dernier mot, mais le plus important c’est le mot Daï. Il signifie doigt, bras, avant-bras.
Quand un cornac le prononce, c’est de l’organe de préhension, du doigt que le proboscidien porte au bout de sa trompe et de sa trompe elle-même, qu’il veut parler. C’est lorsqu’une branche, trop grosse pour être écartée par son crochet ou coupée par le couperet que tout cornac porte à sa ceinture, menace de faire tomber la cage et la personne qu’elle abrite, que ce mot est jeté. L’éléphant cherche d’abord à contourner l’obstacle mais si son conducteur, comprenant qu’il faut en passer par là, le presse en ajoutant au mot Daï l’action de son croc, alors il lève
la tète, saisit la branche et la casse. S’il n’est pas assez fort pour arriver à ce résultat, le cornac suivant (dans le cas où il y a plusieurs éléphants) fait ajouter les efforts de son animal à ceux du premier un troisième survient encore s’aligner s’il le faut, et il est peu de branches qui résistent à de pareilles tractions.
Vers neuf heures et demie nous atteignons, au sortir d’un bois, une belle plaine étendant jusqu’à l’horizon un immense tapis de verdure, au milieu duquel s’élèvent de loin en loin comme les oasis d’un petit désert, de beaux massifs d’arbres. Çà et là quelques troupeaux de buffles et de boeufs animent cette riche nature, rappelant en tous points un de nos gracieux paysages de Normandie.”
The ‘Nacta’ [Neak-ta]
“Le Bouddhisme suivi au Cambodge est mêlé d’une foule de croyances superstitieuses qui ont donné lieu de tout temps à la création et à la pratique de certains cultes. C’est ainsi qu’après la croyance aux serpents est venue la croyance aux esprits, aux diables et aux génies après le culte des serpents, le culte des Nactas. Les Nactas sont nombreux et de toute espèce. Ce sont les gardiens invisibles des eaux, des bois, des montagnes, de l’air, du feu, de la maladie, etc., etc., esprits presque toujours malfaisants aux yeux de ces peuplades, et qu’une crainte issue de
l’ignorance dut engendrer autrefois: Tïmor fecit Deus. Né pouvant s’expliquer les causes de tel ou tel effet, l’homme dut en attribuer le pouvoir à quelque être surnaturel et tout-puissant. Le besoin inné de savoir le comment et le pourquoi de tout ce qui lui arrive, devait forcément l’amener à invoquer l’inconnu pour lui faire expliquer les phénomènes ignorés jusque-là. Il est certain que le premier qui, comme Horace, entendit un coup de tonnerre dans un ciel serein né se rendit aucun compte de ce bruit formidable, et, s’il en vit les effets, il dut les attribuer a un être essentiellement supérieur et fort, capable de tirer parti de quelqu’un de ses actes pour lors, une divinité était toute trouvée.
“De l’idée d’apaiser les esprits malfaisants et de se les rendre propices, vinrent une foule de pratiques plus ou moins surprenantes, destinées, soit à exprimer la gratitude, soit à conjurer les effets de quelque vengeance. L’ignorance des faits et de leurs causes, réunie aux superstitions créées et entassées d’âgo en âge, a, depuis des siècles et des siècles, enveloppé l’intelligence grossière de ces peuples de fictions tellement étranges, que c’est à peine si aujourd’hui cette intelligence, dégrossie et guidéo par le flambeau de la raison et de nos sciences positives, parvient à déchirer le voile qui masquait sa vue. Au coin d’un bois, à l’extrémité d’une île ou sur la berge d’un fleuve, on voit une petite niche toujours à l’endroit le plus ombragé, le plus agréable et le plus frais. C’est afin qu’il n’ait pas trop chaud, qu’il y soit bien et qu’il s’y plaise, qu’on choisit ce lieu, le plus favorable pour le Nacta. Cette divinité, qui est représentée par un morceau de bois, un caillou, un objet informe ou quelquefois par rien du tout, est censée habiter là. C’est là qu’on
vient lui faire des offrandes, brûler de petites chandelles, lui porter du riz, des gâteaux, des poules et souvent un cochon rôti tout entier. En ces lieux, on se garderait bien de parler trop haut, ou en des termes irrévérencieux, du Nacta on le vénère parce qu’on le craint, et ce culte n’a d’autre mobile que de se le rendre propice en écartant ses maléfices.”
Roux & Vidal itinerary in January 1882. It seems they particularly wanted to visit the prehistoric site of Somrong-Sen, which has been discovered a few years earlier, Jean Moura collecting some artefacrs which he gave to the Toulouse Museum (France).
Main photo: Portrait of King Norodom I in the 1880s.
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