Pistes, fleuves et jungles: A travers l'Indochine et les pays voisins [Trails, Rivers, Jungles: Across Indochina and Neighboring Countries]
by Raymond Recouly
A pleasant read from a typical French 'grand reporter' of the 1930s who befriended famous journalist Albert Londres.
Type: e-book
Publisher: Editions de France, Paris
Edition: ebook by Editions Cargo de Nuit Editions (Kindle), 14 Feb.2021
Published: 1932
Author: Raymond Recouly
Pages: 211
Language : French
ADB Library Catalog ID: eTRAREC1
Landing in Saigon — the “sultry nightlife” of which the traveler gives a quite tepid and blushing description –, the author travels to Hanoi and then the Yunnan province, since French observers of Southeast Asia were then obsessing about “bandit” and “pirate” activities within the confines of China and Vietnam. From Recouly’s travelogue, we’ll highlight:
The rice civilization
“Un des plus beaux morceaux de la sculpture grecque (il se trouve, si mes souvenirs sont précis, au musée d’Athènes) est un bas-relief qui représente Déméter, la déesse des moissons, remettant aux hommes le premier grain de blé. Le geste protecteur et bienfaisant de la déesse, l’attitude humble, pieuse des mortels qui reçoivent ce merveilleux présent, donnent à cette scène un caractère de gravité religieuse qui lui confère une merveilleuse beauté… Pour les habitants de l’Indochine, du Siam, de la Birmanie, de la Chine, le riz est tout aussi précieux, sinon plus, que né l’était le blé pour les premiers humains ; car leur subsistance tout entière en dépend. La culture du riz, c’est moins une opération d’agriculture proprement dite que d’horticulture. Elle exige toute une chaîne de soins précis, minutieux et raffinés. Une rizière est un jardin plutôt qu’un champ. Au lieu de s’étendre sur un vaste espace comme les champs de blé ou de coton, elle est découpée, compartimentée en une suite de petites cases, entourées de digues faites de terre battue, hautes de cinquante à soixante centimètres environ. Ces talus très solides ont pour objet de protéger les plantes délicates contre une crue subite qui viendrait les inonder. Car s’il faut de l’eau au riz naissant, il en faut juste la quantité suffisante. Le sol, une fois soigneusement labouré, nivelé, l’ensemencement s’opère, soit directement, à la volée, comme on fait pour le blé, le semeur, dans son « geste auguste », répandant sur la terre les poignées de grains, soit, plus souvent, par le repiquage des plants élevés en pépinières, ce second système donnant un meilleur rendement. On prépare les grains destinés au semis sur un terrain excellent, richement et soigneusement fumé, maintenu constamment humide. Au bout d’une semaine, les tiges commencent à pousser et forment un tapis serré d’un joli vert très tendre. Ces nappes d’un délicieux gazon verdissant sont une des visions caractéristiques du delta, cochinchinois ou tonkinois. Lorsque les tiges ont une certaine hauteur s’accomplit l’opération du repiquage, minutieuse, pénible et, comme telle, généralement réservée aux femmes. Il faut de trois à cinq mois, selon les pays et les saisons, pour que le riz ainsi planté arrive à floraison. La floraison finie, la maturité prend encore une ou deux semaines. Le grain, lorsqu’il est mûr, ayant, comme le blé, un aspect jaune doré quand arrive le moment de la récolte, on assèche la rizière pendant deux ou trois jours, après quoi les femmes (toujours elles !) rangées en ligne, attaquent de front la rizière, fauchant avec la faucille, et par petites poignées, les tiges coupées assez près de l’épi, ce qui leur évite la peine de trop se baisser. Les gerbes liées, s’accomplit le battage, soit avec des bœufs et des buffles qui vont et viennent sur les épis, soit à la main sur des claies de bambous ; les gerbes vigoureusement frappées, le grain se sépare de la paille et tombe sur le sol. Ce riz, à l’état brut porte le nom de paddy ; pour le transformer en riz comestible, deux opérations sont nécessaires : le décorticage, pour séparer de l’enveloppe la graine proprement dite. Les indigènes se servent de deux meules dont l’une reposant sur le sol est fixe, l’autre mobile autour d’un axe. On obtient alors ce qu’on appelle le riz cargo. Il né reste plus qu’à le blanchir en le soumettant à 1’action d’un pilon formé par un lourd morceau de bois attaché à une poutre qui bascule autour d’un support fixe. Cet appareil se manœuvre en appuyant avec le pied sur l’extrémité de la poutre. C est encore là une des visions familières de la Cochinchine et du Tonkin. On voit, par cette simple énumération, tous les efforts, toutes les peines qu’exige cette culture. Il y faut, en plus de terres très fertiles, sous un climat spécial, une extraordinaire abondance à la fois de main‑d’œuvre et d’eau.” [One of the most beautiful pieces of Greek sculpture (kept,if my memory does not fail me, in the Athens Museum) is à bas-relief representing Demeter, goddess of the harvest, handing men the first grain of wheat. The protective and beneficent gesture of the goddess, the humble, pious attitude of the mortals who receive this marvelous present, give this scene a character of religious gravity pregnant with marvelous beauty… For the inhabitants of Indochina, Siam, from Burma, from China, rice is just as valuable, if not more so, than wheat was to early humans; because their whole subsistence depends on it. The cultivation of rice is less an operation of agriculture strictly speaking than of horticulture. It requires a whole chain of precise, meticulous and refined treatments. A paddy field is a garden rather than a field. Instead of extending over a vast space like wheat or cotton fields, it is cut up, compartmentalized into a series of small huts, surrounded by dykes made of beaten earth, about fifty to sixty centimeters high. These very solid embankments are intended to protect the delicate plants against a sudden flood which would inundate them. Because if the nascent rice needs water, it just needs the right amount of it. Once the soil carefully plowed and levelled, the sowing takes place, either directly, on the fly, as is done for wheat, the sower, in his “august gesture”, spreading the handfuls of grain on the ground, or, more often, by transplanting plants raised in nurseries, this second technique giving a better yield. The seeds for sowing are prepared on excellent soil, richly and carefully manured, kept constantly moist. After a week, the stems begin to grow and form a tight carpet of a pretty, very soft green. These layers of delicious green grass are one of the characteristic visions of the delta, Cochin-Chinese or Tonkinese. When the stems have a certain height, the transplanting operation is accomplished, meticulous, painful and, as such, generally reserved for women. It takes three to five months, depending on the country and the season, for the rice planted in this way to flower. After flowering, maturity takes another week or two. The grain, when ripe, having, like wheat, a golden yellow appearance when harvest time arrives, the paddy field is dried for two or three days, after which the women (always them!) line up, attack the rice field head-on, mowing with the sickle, and by small handfuls, the stems cut quite close to the ear, which saves them the trouble of bending down too much. The tied sheaves, the threshing is accomplished, either with oxen and buffaloes which come and go on the ears, or by hand on bamboo hurdles; the sheaves being struck vigorously, the grain separates from the chaff and falls to the ground. This rice, in its raw state, is called paddy; to transform it into edible rice, two operations are necessary: hulling, to separate the seed itself from the husk. The natives use two millstones, one of which rests on the ground and is fixed, the other mobile around an axis. We then obtain what is called cargo rice. All that remains is to blanch it by subjecting it to the action of a pestle formed by a heavy piece of wood attached to a beam that tilts around a fixed support. This device is operated by pressing with the foot on the end of the beam. This is again one of the familiar visions of Cochinchina and Tonkin. We see, by this simple enumeration, all the efforts, all the pains that this culture requires. In addition to some very fertile land, and a very specific climate, it requires an extraordinary abundance of both labor and water.”
Harvest Celebration Dance in Angkor, 2019 (photo DR)
Angkor and Bayon bas-reliefs
“Les légendes épiques du Râmâyana, l’Iliade hindoue, inspirent, animent une impressionnante série de bas-reliefs qui, sur une longue suite de murailles, se déroulent presque indéfiniment. Leur beauté, leur richesse, le grouillement de vie qu’ils figurent, plus encore peut-être leur longue étendue, voilà un des nouveaux étonnements d’Angkor. Dans ces longues et belles galeries, où l’ardente lumière du dehors, l’ombré qui tombe des voûtes, peuplées de chauves-souris, ont l’air de se combattre, les légendes guerrières de l’Inde revivent sur la pierre, avec un relief surprenant. La grande, la terrible guerre, fertile en incidents, entreprise par Rama pour reconquérir son épouse Sita, qui lui a été ravie par le géant Ravana, tel est le sujet dramatique de cette célèbre légende. Comme dans l’Iliade, le rapt d’une femme en forme le centre, le désir et l’amour étant, en tous pays, ce qui occupe par-dessus tout, passionne le cœur des humains. Sita, après son enlèvement, a été emportée par Ravana dans l’île de Ceylan, comme la belle Hélène avait été emmenée à Troie. Son époux jure de la reconquérir. Guidé par un vautour qui lui révèle sa retraite, pour venir à bout de son terrible adversaire il contracte une alliance avec le peuple des singes, lui apportant le secours de son innombrable armée. Les troupes se mettent en marche et nous assistons à leur défilé. Fantassins, cavaliers, cohortes des chars, les chefs émergeant au-dessus de leurs hommes, comme les grands arbres au-dessus de la forêt, les bas-reliefs font voir cette avance formidable, cette ruée, à la fois furieuse et disciplinée. La bataille s’engage, à laquelle les êtres humains, les bêtes et les monstres prennent part. Le ravisseur est battu, Sita reconquise. Pour prouver sa pureté, se soumettant à l’épreuve suprême, elle monte sur le bûcher. Respectée par la flamme, triomphante, elle est reprise par son époux qui la fait asseoir sur le trône à ses côtés. Les scènes les plus mouvementées de cette guerre, les sculpteurs khmers les ont figurées avec un art, une force incomparables, projetant, tel un jeu de lumière qui troue brusquement les ténèbres, la flamme de leur génie dans le lointain des siècles, dans l’océan immense des temps. Ces guerres, où les bêtes combattent à côté des humains, où le vautour dirige les pas des généraux, c’est le rappel symbolique des humanités primitives et des âges abolis. C’est l’épopée de la jungle, en même temps que celle des peuples et des rois. A côté de ces légendes guerrières, d’autres, d’un caractère cosmique, rappellent les scènes sacrées, le barattement de la mer de lait, par exemple, où l’on voit les dieux remuant, ébranlant puissamment les mers, mettant en émoi le peuple des poissons, pour produire la liqueur magique, l’ambroisie qui confère à ceux qui la boivent l’immortalité. D’autres, ceux du Bayon, situés au cœur de l’antique ville, sont d’un caractère plus humain, plus familier, plus terre à terre, montrant les mille traits, les mille détails de l’existence courante. Leur variété, leur diversité, la multiplicité des sujets sont à l’image, à l’échelle de tout le reste. C’est encore là un des étonnements, un des prodiges d’Angkor. La région où se trouvent tous ces temples, jadis arrachée au faible Cambodge par les Siamois plus puissants, a été, comme on sait, restituée à l’Indochine en 1907, après notre traité avec le Siam, heureuse conséquence, entre beaucoup d’autres, de l’Entente cordiale avec l’Angleterre, conclue par Delcassé quelques années auparavant.” [“The epic legends of the Râmâyana, the Hindu Iliad, inspire, animate an impressive series of bas-reliefs which, on a long series of walls, unfold almost indefinitely. Their beauty, their richness, the swarming life they represent , even more perhaps their long expanse, here is one of the new marvels of Angkor. In these long and beautiful galleries, where the ardent light from outside, the shadow which falls from the vaults, peopled with bats, have the seem to be fighting each other, the warrior legends of India come to life on stone in surprising relief. The great, terrible war, fertile in incidents, undertaken by Rama to reconquer his wife Sita, who was giant Ravana, such is the dramatic subject of this famous legend.As in the Iliad, the abduction of a woman forms the center, desire and love being, in all countries, what occupies above all, fascinates the hearts of humans. Sita, after her abduction, was carried away by Ravan a in the island of Ceylon, as the beautiful Helen had been taken to Troy. Her husband swears to win her back. Guided by a vulture who reveals his retreat to him, to overcome his terrible adversary he contracts an alliance with the people of the monkeys, bringing him the help of his innumerable army. The troops set off and we watch their procession. Infantry, cavalry, cohorts of chariots, the leaders emerging above their men, like the tall trees above the forest, the bas-reliefs show this formidable advance, this rush, both furious and disciplined. The battle begins, in which human beings, beasts and monsters take part. The kidnapper is defeated, Sita won back. To prove her purity, submitting to the supreme test, she climbs the stake. Spared by the flame, triumphant, she is taken back by her husband who makes her sit on the throne at his side. The most turbulent scenes of this war, the Khmer sculptors have depicted them with an art, an incomparable force, projecting, like a play of light which suddenly pierces the darkness, the flame of their genius in the distance of the centuries, in the immense ocean of time. These wars, where animals fight alongside humans, where the vulture directs the steps of generals, are the symbolic reminder of primitive humanities and vanished ages. It is the epic of the jungle, and also the epic of peoples and kings. Alongside these warrior legends, others, of a cosmic character, recall sacred scenes, the churning of the sea of milk, for example, where we see the gods stirring, powerfully shaking the seas, stirring the people of the fish, to produce the magic liquor, the ambrosia which confers immortality on those who drink it. Others, those of Bayon, located in the heart of the ancient city, are of a more human character, more familiar, more down to earth, showing the thousand features, the thousand details of everyday existence. Their variety, their diversity, the multiplicity of subjects are in the image, on the scale of all the rest. This is still one of the astonishments, one of the wonders of Angkor. The region where all these temples are located, once torn from weak Cambodia by the more powerful Siamese, was, as we know, returned to Indochina in 1907, after our treaty with Siam, a happy consequence, among many others, of the Entente Cordiale with England, concluded by Delcassé a few years earlier.]
Angkor: ‘All for the Gods, nothing for the Kings’
“Dans ce morceau de terre qui marque la partie nord du Cambodge, les Cambodgiens étant les descendants directs des Khmers, dans ces plaines voisines des grands lacs, d’où ce peuple tirait en partie sa subsistance, qui lui permettaient, par le Mékong, d’atteindre la mer, de naviguer, de commercer librement avec le dehors, il s’est développé un art purement original, une poussée architecturale, qui n’a son équivalent nulle part. Parmi cette multitude, ce foisonnement de temples, on né trouve pas un seul palais. Voici encore un nouvel étonnement. Le culte des dieux né se contente pas de primer le culte des rois ; il l’anéantit, il le supprime : Tout pour la divinité, rien pour les humains. La merveille des merveilles, le sanctuaire d’Angkor-Vat, par ses dimensions prodigieuses, par ce qu’il a de grandiose dans sa conception et son exécution, fait songer à Versailles. Cette régularité, cette simplicité dans les lignes, cette nudité des perspectives, si l’on peut dire, nous nous imaginons à tort qu’elles sont la marque, le privilège de notre art classique. On les trouve cependant en Asie dans certains ensembles architecturaux, les tombeaux des empereurs chinois ou mandchous, à Pékin et à Moukden. Mais, nulle part, elles, né se présentent avec une vigueur aussi éclatante que dans les temples d’Angkor-Vat, le coup de génie, la réussite la plus étonnante, la plus prodigieuse de ces architectes khmers. Seulement ce Versailles des Khmers n’est pas le palais du roi, mais le palais du dieu ou plutôt des dieux, car brahmanisme et bouddhisme, ces deux grandes religions de l’Inde, matrice des divinités et des cultes, viennent marier ici leurs symboles et leurs représentations.” [In this piece of land which distinguishes the northern part of Cambodia, the Cambodians being the direct descendants of the Khmers, in these plains close to the great lakes, from which this people partly drew its subsistence, which allowed it, by the Mekong, to reach the sea, to sail, to trade freely with the outside world, a purely original art has developed, an architectural thrust, which has no equivalent anywhere. Among this multitude, this abundance of temples, there is not a single palace. Here is yet another reason for puzzlement. The worship of the gods is not content to take precedence over the worship of kings; he annihilates it, it suppresses it: Everything for the divinity, nothing for humans. The marvel of marvels, the sanctuary of Angkor-Vat, by its prodigious dimensions, by what is grandiose in its conception and its execution, makes one think of Versailles. This regularity, this simplicity in the lines, this nudity of the perspectives, so to speak, we wrongly imagine that they are the mark, the privilege of our classical art. However, they are found in Asia in certain architectural ensembles, the tombs of Chinese or Manchurian emperors, in Beijing and Mukden. But nowhere do they present themselves with such dazzling vigor as in the temples of Angkor-Vat, the stroke of genius, the most astonishing, the most prodigious success of these Khmer architects. Only this Versailles of the Khmers is not the palace of the king, but the palace of the god or rather of the gods, because Brahmanism and Buddhism, these two great religions of India, matrix of divinities and cults, come here to marry their symbols. and their representations.]
In praise of EFEO
“Depuis que la France a récupéré cette région, rendu à l’Indochine ces merveilles archéologiques dont elle avait été injustement dépouillée, cette rentrée en possession lui créait un grand devoir : la conservation, le déblaiement, la remise en état de tous ces temples, abandonnés depuis des siècles, menacés de destruction et par les déprédations des humains et plus encore par les intempéries, l’offensive redoutable de la nature. Ce devoir, d’un avis unanime, elle l’a admirablement accompli. Les étrangers, Américains, Anglais, qui affluent en ces lieux, beaucoup plus nombreux que les Français, qui accomplissent le pèlerinage d’Angkor, devenu une des grandes attractions du monde, sont d’accord sur ce point : il était impossible de faire mieux, on peut même affirmer qu’il aurait été difficile à tout autre de faire aussi bien. Une des meilleures, une des plus intelligentes, des plus utiles créations, depuis que nous sommes en Indochine, fut celle de l’École française d’Extrême-Orient, où se sont succédé toute une équipe de savants, d’archéologues, d’artistes, ayant à cœur la découverte, l’entretien, l’explication de tous les monuments, de toutes les reliques du passé. Pour né parler que d’Angkor, où la tâche de déblaiement, de consolidation, de présentation se poursuit de la manière la plus heureuse, de nouveaux temples envahis par les lianes, les ronces, les racines noueuses des arbres, sont dégagés tour à tour de cette gaine végétale, rendus à l’existence et à l’admiration des visiteurs.” [Since France recovered this region and returned to Indochina these archaeological marvels of which it had been unjustly despoiled, a great duty has arisen: the conservation, the clearing, the restoration of all these temples, abandoned for centuries, threatened with destruction and by the depredations of humans, and even more so by harsh weather, the formidable attack of nature. This duty, by unanimous opinion, she has accomplished admirably. The foreigners, Americans, English, who flock to these places, much more numerous than the French, who make the pilgrimage to Angkor, which has become one of the great attractions of the world, agree on this point: it was impossible to do better , we can even say that it would have been difficult for anyone else to do so well. One of the best, one of the most intelligent, most useful creations, since we have been in Indochina, was that of the French School of the Far East [EFEO], where a whole team of scholars, archaeologists, artists, having at heart the discovery, the maintenance, the explanation of all the monuments, of all the relics of the past. To speak only of Angkor, where the task of clearing, of consolidation, of presentation continues in the most fortunate way, new temples invaded by lianas, brambles, the gnarled roots of trees, are released in turn of this vegetable sheath, returned to the existence and to the admiration of visitors.]
About Albert Londres and his tragic death
“Je continue, pour quelques jours, ma route avec mon vieux camarade Albert Londres, en compagnie de qui j’ai voyagé depuis Marseille et qui se rend en Chine pour y mener sur la situation présente une longue et minutieuse enquête. Quel agréable et joyeux compagnon ! Il n’est pas de pays au monde que ce voyageur infatigable, ce coureur de continents et de mers, n’ait parcouru, visité, observé. Il a posé sur chacun d’eux ses regards fureteurs et pénétrants, prompts à découvrir, par-delà les apparences, les réalités prenantes et profondes. Entre ces réalités et lui, rien, ni partis pris, ni préjugés, ni conventions, né venait jamais s’interposer. Il voyait, il découvrait, il décrivait le monde avec l’œil original et ingénu d’un poète ou d’un enfant. C’est de là que provenait avant tout le charme coloré, pittoresque de ses descriptions et de ses récits. Ayant passé la plus grosse part de sa vie à voyager, presque sans interruption, à travers les deux continents, quelle que fût la contrée dont le nom était prononcé, il en parlait aussitôt comme d’une vieille connaissance (elle l’était en effet), se mettant à raconter des souvenirs, des anecdotes, des histoires drôles, souvent cocasses, dont sa mémoire inépuisable fourmillait. […] Grand bohème s’il en fut, n’ayant de résidence nulle part, même à Paris, où il vivait en camp volant (le seul domicile dont il se réclamât était la maison de sa mère, à Vichy), il transportait sur le paquebot lui-même ses habitudes de lève-tard et de noctambule invétéré. Dormant ou travaillant la majeure partie de la journée, il paraissait sur le pont vers cinq ou six heures, au moment où s’allument les premières lampes et les premières étoiles. Après dîner, il restait au bar, à fumer des pipes, à boire des chopes jusqu’à ce que, vers les deux heures du matin, le barman vînt le prévenir qu’on fermait. Souvent même alors, il continuait à flâner dans les coursives ou sur le pont. La nuit où se produisit l’incendie du Georges-Philippar, il venait à peine de regagner sa cabine, ainsi que l’ont raconté ses compagnons, auprès de qui il avait passé la soirée. Nous occupions, pour les repas, sur ce paquebot des Messageries, une table de quatre : Albert Londres, M. et Mme Lang-Villar, un charmant ménage de Parisiens, lui, ayant fait, dans sa jeunesse, de grands voyages et de longs séjours en Amérique du Sud, elle, très jolie, très élégante et très vivante. Quelques mois à peine se sont écoulés : Albert Londres a péri carbonisé ou noyé ; M. et Mme Lang-Villar, s’étant sauvés à grand-peine à la nage, car ils étaient très sportifs, du paquebot en flammes, ont, quelques jours après, par une suite, une effroyable cascade de tragédies, trouvé une mort atroce à bord de l’avion qui les ramenait de Brindisi en France, si bien que sur ces quatre voyageurs il n’en reste qu’un seul : c’est moi.” [“I follow on with my journey, for a few days, with my old comrade Albert Londres, in whose company I traveled from Marseilles and who is going to China to carry out a long and meticulous investigation of the situation there. What a pleasant and joyful companion! There is no country in the world that this indefatigable traveler, this runner of continents and seas, has not traversed, visited, observed. He has laid on each of them his searching and penetrating eyes, quick to discover, beyond appearances, gripping and deep realities. Between these realities and him, nothing, neither prejudices, nor prejudices, nor conventions, ever came to intervene. He saw, he discovered, he described the world with the peculiar and ingenuous eye of a poet or a child. It is from this that came above all the colourful, picturesque charm of his descriptions and his stories. Having spent the greater part of his life traveling, almost without interruption, across the two continents, whatever the country of Whenever the name was pronounced, he immediately spoke of it as of an old acquaintance (it indeed was), beginning to recount memories, anecdotes, funny stories, often comical, with which his inexhaustible memory teemed. […] A true bohemian if ever there was one, having no residence anywhere, even in Paris, where he lived as in a bivouac (the only home he claimed was his mother’s house, in Vichy), he transported on the ocean liner himself his habits of late riser and inveterate night owl. Sleeping or working most of the day, he appeared on deck about five or six o’clock, when the first lamps and the first stars were lit. After dinner he stayed at the bar, smoking pipes, drinking mugs, until, about two o’clock in the morning, the bartender came to tell him that they were closing. Often even then, he continued to stroll in the gangways or on the deck. The night when the fire on the Georges-Philippar (1) broke, he had barely returned to his cabin, as his companions, with whom he had spent the evening, told us. For meals, we occupied a table for four on this Messageries liner: Albert Londres, M. and Mme Lang-Villar, a charming Parisian couple, he, having made great voyages and long stays in South America during his youth, she, very pretty, very elegant and very lively. Barely a few months have passed: Albert Londres has perished, charred or drowned; Mr. and Mrs. Lang-Villar, having saved themselves with great difficulty by swimming, for they were very athletic, from the liner in flames, have, a few days later, by a series of frightful cascades of tragedies, found a terrible death on board the plane bringing them back from Brindisi to France, so much so that of these four travelers there is only one left: that is me.”
After a stopover in Djibouti on the liner bringing him back to ‘grey Europe’, the author spends a gloomy evening with three passengers, all epitomes of an old world about to crumble: a colonel of the British army retiring from service in India, a venerable French bishop who has just spent half-a-century in China, and an ‘Indochinese high-ranking official’, meaning a French colonial administrator. They all discuss the “impossible” yet necessary task of leaving the colonies for decaying Empires challenged by the “Red Gospel”, the rise of communism. Quite typically, too, no one foresees another, much more terrible threat for the “Free World”, one that most of official France will embrace in the years to come: Nazism.
[1] Named after then-President of the CMM Georges Philippar and launched in 1930, the ‘paquebot’ (ocean liner) was wrecked by a devastating fire in the night of May 16 – 17 1932 off Aden (modern Yemen) during her return maiden trip to Japan and China. Famed journalist Albert Londres (1 Nov. 1884 – 16 May 1932), one of the pioneer of investigative journalism, and 53 other passengers died on the spot. Londres had attempted to escape through his cabin’s porthole, but the accomplished traveler did not know how to swim. Baselessly, some publications blamed ‘a communist plot’ behind the fire. As for Alfred (a successful international trader, director of the Louis-Dreyfus company) and Suzanne Lang-Willar (not Villar as spelled by Recouly), they managed to swim away and were rescued by a Soviet merchant ship. The Sovetskaya Neft (Soviet Oil). Flying Port Said-Brindisi on an Imperial Airways (British) plane, they were met in Brindisi by a plane chartered by a group of French periodicals who were eager to collect their testimony regarding Albert Londres’ death. The Farman F190 took off in adverse weather conditions and crashed in the hills surrounding Brindisi, near a place called ‘The Dead Woman’. In 1934, French and Italian traffickers were arrested while trying to sale some of Suzanne Lang-Willar (née Picard) Van Cleef & Arpels jewels stolen from the crash site.
SM Georges-Philippar in 1931
Suzanne Lang-Willar née Picard.
Tags: Southeast Asia, Yunnan, Vietnam, China, French travelers, colonization, colonialism, rice, Protectorate, labor, women, agriculture
About the Author
Raymond Recouly
Raymond Recouly (1876, Saint-Pons-de-Mauchiens- 12 Sept 1950, Montpellier, France) was a newspaper and magazine writer, war reporter and historian who became French Marshal Joffre’s biographer during World War I, and traveled extensively across Russia, North Africa, Southeast Asia and China.
After completing his studies, Recouly joined the Tour du monde/Archives de la Planete program sponsored by the Albert Kahn Foundation and traveled the world for three years. Then, as a correspondent for Le Temps and Le Figaro dailies, Recouly covered the Russia-Japan war in Mandchuria, also serving as ordnance officer in the Algerian colonization campaigns and covering the insurrections in then French Indochina.
He regularly contributed to the New York Times in the 1920s-1930s. During World War II, he was the editor-in-chief of Gringoire, a French right-wing, collaborationist periodical. A staunch supporter of French colonialism, he nevertheless wrote some unbiased recounts of his travels in Asia.