Nouvelle géographie universelle, La terre et les hommes, VIII: L'Inde et l'Indo-Chine
by Élisée Reclus
The astonishingly vivid and detailed Geography of India and Indochina by French free-thinker Élisée Reclus.
Type: on-demand books
Publisher: Hachette, Paris | via gallica.bnf.fr
Published: 1883
Author: Élisée Reclus
Pages: 982
Language : French
Even if the Indian subcontinent takes the lion’s share in this monumental work (some 700 out of 900 pages), mainland Southeast Asia, then called Indochina, is thoroughly described by the polymath Elisee Reclus, who displays a rare talent in vividly depicting places and peoples he never directly encountered.
Of note:
Ethnology
- Matriarchy and Women Status [a personal topic of interest for the author, fervent advocate of the “free union”]: “Sur la côté de Malabar, la population dominante est la caste aristocratique, jadis guerrière, des Naïr (Nayal’) ou « Maîtres», divisée en onze classes, qui, tout en se civilisant sous l’influence aryenne et en vivant en harmonie avec les brahmanes, a gardé plus jalousement que les autres nations voisines quelques-unes de ses pratiques nationales. Nulle part, si ce n’est chez les Garro de l’Assam, les anciennes formes du matriarcat, le murrou-mukatayoum, né se sont mieux maintenues; jusqu’au milieu du siècle dernier l’État de Travancore [or Kingdom of Thiruvithamkoor, which existed from 1729 t0 1949 in the southernmost part of the modern state of Tamil Nadu] était gouverné par des princesses se succédant de mère en fille. Un premièr mariage, cérémonie imposée jadis par les brahmanes, est bien tenu suivant les formes hindoues; l’époux remet a l’épouse le cordon symbolique du tali; mais cette union n’est qu’officielle, et bientôt le mari est renvoyé, payé de son obligeance par quelque cadeau que lui fait la famille. La jeune femme, mariée pour la forme, reprend sa complète liberté; il lui suffit de porter au cou son tali pour être en règle avec la loi. Désormais elle peut a son gré choisir qui lui convient, mais l’opinion publique né lui pardonnerait pas de vivre avec
le mari; les unions vues avec ici plus de faveur sont celles qui se font avec des brahmanes, anoblissant la race. Du reste, l’amant choisi n’a aucun droit dans la maison ~ l’autorité né cesse d’appartenir à la femme; elle commandé même à ses frères. Dans chaque famille, le pouvoir est ’ représenté par la mère et par la fille aînée; les oncles maternels et les· freres exécutent les volontés du gynécée.” (p 543) “[Chez les Garro de l’Assam] Chez aucune nation les institutions du matriarcat né se sont mieux conservées. Les clans ont gardé leur nom de mahari — ou “maternité” — et la femme est tenue pour le chef de famille. La jeune fille fait les premières avances au jeune homme, toujours choisi dans une mahari différente de la sienne, et le demande en mariage à la mère; lorsque le garçon se permet de parler le premier, sa mahari est condamnée à une forte amende. Chez la plupart des tribus encore à demi sauvages, la cérémonie des épousailles est précédée d’un simulacre d’enlèvement de la jeune fille; mais chez les Garro les amis de la fiancée procèdent au rapt du futur époux et l’emmènent de force. dans la « maternité » dont il fera desormais partie. Toutefois, quand il s’agit du mariage d’héritières, on né leur laisse pas libre choix, et ce sont les deux « maternités » interessées qui cherchent le mari el dressent le contrat. Le fils n’hérite pas de la propriété paternelle: celle-ci passé au fils de la soeur; mais ce neveu hérite en même temps de la veuve et doit la prendre pour épouse, fùt-elle la mère de sa propre femme; chez d’autres tribus de l’Inde se retrouvent des traces de cette coutume primitive.”(p 396); “Les Prak, qui parcourent aussi les forêts du Cambodge, assurés qu’en échange d’un tribut de cire et de gomme on né les réduira pas en esclavage, se distinguent des nations voisines par le maintien des moeurs matriarcales. À la mort des parents, les biens sont partagés egalement entre les filles; les garçons n’héritent pas. Les Prak sont en général grands et bien faits, mais ils se défigurent en se coupant les dents supériemes de devant au niveau des gencives et en affilant en pointes aiguës celles de la machoire inférieure : la raison qu’ils donnent de cette coutume est qu’ils né veulent pas « ressembler a des singes ». Ils portent aussi de pesants brassards en laiton, enroulés du coude au poignet.” (p 872) [“On the Malabar side, the dominant population is the aristocratic, formerly warlord caste of the Nair (Nayal) or “Masters”, divided into eleven classes, who, while becoming civilized under Aryan influence and living in harmony with the Brahmins, has guarded more jealously than the other neighboring nations some of its national practices. Nowhere, except among the Garro of Assam, are the old forms of matriarchy, the murru-mukatayoum are better maintained; until the middle of the last century the State of Travancore [or Kingdom of Thiruvithamkoor, which existed from 1729 t0 1949 in the southernmost part of the modern state of Tamil Nadu] was ruled by princesses succeeding from mother to daughters. A first marriage, a ceremony formerly imposed by the Brahmans, is well held according to Hindu forms; the husband gives the wife the symbolic cord of the tali; but this union is only official, and soon the husband is dismissed, paid for his kindness by some c gift from the family. The young woman, just formally married, regains her complete freedom; it suffices for him to wear his tali round his neck to be in order with the law. From now on she can choose whoever suits her, but public opinion would not forgive her for living with the husband; the unions seen with more favor here are those made with Brahmans, ennobling the race. Moreover, the chosen lover has no rights in the house ~ authority does not cease to belong to the woman; she even commands her brothers. In each family, the power is represented by the mother and by the eldest daughter; the maternal uncles and the brothers carry out the wishes of the gynaecium.” | “The Prak, who also roam the forests of Cambodia, assured that in exchange for a tribute of wax and gum they will not be reduced to slavery, are distinguished from neighboring nations by the maintenance of matriarchal customs. At the death of the parents, property is divided equally between girls; boys do not inherit. The Prak are generally tall and well made, but they disfigure themselves by cutting their upper front teeth at the gum line and sharpening them into sharp points. those of the lower jaw: the reason they give for this custom is that they do not want “to look like monkeys”. They also wear heavy brass armbands, wrapped from the elbow to the wrist.”] - The Cham civilization: “La langue cham se compose, pour un tiers environ, de mots malais, auxquels se sont mêlés quelques termes annamites et cambodgiens; plus de la moitié du vocabulaire n’a aucune analogie avec les idiomes de la population environnante. Quoique peu nombreux, les Cham se divisent en deux classes et suivent deux religions différentes. Ceux qui gardent leur nom ethnique né mangent point la chair de la vache et tiennent cet animal en dégoût. Ils brûlent leurs morts, après les avoir gardés et « nourris » pendant deux ou trois mois, suivant leurs ressources; puis ils recueillent les cendres dans un vase qu’ils enterrent, les pauvres au pied d’un arbre; les riches dans un mausolée. La classe des Cham appelés Bah-ni, c’est-à-dire les «Gens de la Religion», descend de prosélytes du mahométisme; les Bah-ni pratiquent la circoncision, né boivent point de liqueurs fortes. et repoussent avec horreur la chair du porc, qui est la principale nourriture animale des Chinois et des Annamites. Mais plusieurs de leurs cérémonies, l’adoration du soleil et de la lune, l’usage du bâton magique, les sacrifices sanglants, sont probablement d’une origine antérieure à la conversion mahométane. Les femmes des Bah-ni sont d’une vertu farouche: aussi la race reste sans mélange.” (p 878) [“The Cham language is made up for about a third of Malay words, with which a few Annamese and Cambodian terms have been mixed; more than half of the vocabulary has no analogy with the idioms of the surrounding population. Although few in number, the Cham are divided into two classes and follow two different religions. Those who keep their ethnic name do not eat the flesh of the cow and hold this animal in disgust. They burn their dead, after having kept and “fed” them for two or three months, according to their resources; then they collect the ashes in a vase which they bury, the poor at the foot of a tree, the rich in a mausoleum. The class of Cham called Bah-ni, that is to say the “People of Religion”, descended from proselytes of Mahometanism; the Bah-ni practice circumcision, do not drink strong liquors, and reject with horror the flesh of the pig, which is the principal animal food of the Chinese and the Annamese. But several of their ceremonies, the adoration of the sun and the moon, the use of the magic staff, the bloody sacrifices, are probably of an origin anterior to the Mahometan conversion. The women of the Bah-ni are of a fierce virtue: therefore the race remains unmixed.”]
- Khmer cultural traits: “Les Khmer ont la prédilection de la musique, du chant, de la poésie : en voguant sur le fleuve, les matelots chantent d’une voix sonore; sur les barques des mandarins résonnent les tambourins, l’harmonica, le flageolet. Les Cambodgiens ont beaucoup plus de gout que les Annamites pour la construction des maisons et des bateaux. Sur le Tonlé sap, on reconnaît immédiatement la nationalité des bateliers à l’aspect de leurs barques.” (p 898) [“The Khmer have a predilection for music, song, poetry: while sailing on the river, the sailors sing with a sonorous voice; on the boats of the mandarins resound the tambourines, the harmonica, the flute. The Cambodians have much more taste than the Annamites for the construction of houses and boats. On the Tonle sap, one immediately recognizes the nationality of the boatmen by the appearance of their boats.”]
- Cambodia, South India and Sri Lanka: “Une légende, considérée au Cambodge comme “historique” dans tous ses détails, raconte qu’un prince hindou, originaire d’lndraspathi, l’ancienne Delhi, émigra dans le bassin du Grand Lac, il y a vingt-trois siècles, avec dix millions de ses concitoyens. La dynastie actuelle prétend, de son côté, descendre d’une famille de Bénarès. Mais les relations paraissent avoir eu leur plus grande activiité entre le Cambodge et le pays de Lanka ou Ceylan, île à laquelle la communauté de foi religieuse a donné un caractère presque sacré. Quand un Khmer vient de se bâtir une maison, en suivant les règles prescrites pour que le mauvais sort en soit à jamais écarté, quand il y a fait entrer le chat domestique, gardien futur du logis, et qu’il veut pénétrer lui-même dans la demeure, uri homme, placé sur le seuil. de la porte, l’arrête d’un geste, en lui demandant : « D’où viens-tu? — Je viens de Lanka, répond le propriétaire, j’ai traversé la mer, ma barque a sombré et, me trouvant sans asile, j’apporte ce que j’ai sauvé du naufrage;je viens m’établir dans cette maison inhabitée». Lanka et l’Inde septentrionale ont donc contribué l’une et l’autre aux origines de la civilisation cambodgienne et ont dû exercer par les croisements une action considérable sur la race elle-même. Le nom de Cambodge (Kampouchea, Kampoxa) a été identifié par quelques historiens avec le Kambodja de la géographie sanscrite, mais à tort : le Cambodge est le « pays des Kammen », transformation siamoise du nom de Khmer”. (pp 873 – 874) [“A legend, considered in Cambodia as “historical” in all its details, tells that a Hindu prince, originally from Indraspathi, ancient Delhi, emigrated to the basin of the Great Lake, twenty-three centuries ago, with ten million of its fellow-citizens. The present dynasty claims, for its part, to descend from a family of Benares. But the relations seem to have had their greatest activity between Cambodia and the country of Lanka or Ceylon, the island on which the community of religious faith has given it an almost sacred character.When a Khmer has just built a house, following the prescribed rules so that bad luck is forever avoided, when he brings in the domestic cat, future guardian of the house, and that he wants to enter the house himself, a man, placed on the threshold of the door, stops him with a gesture, asking him: “Where do you come from? - I come from Lanka , answers the owner, I crossed the sea, my boat sank and, finding myself without asylum, I bring in what I saved from shipwreck; I come to settle in this uninhabited house”. Lanka and northern India have therefore both contributed to the origins of Cambodian civilization and must have exerted a considerable influence on the race itself through interbreeding. The name of Cambodia (Kampouchea, Kampoxa) has been identified by some historians with the Kambodja of Sanskrit geography, but wrongly: Cambodia is the “country of the Kammen”, a Siamese transformation of the name of Khmer.”]
Angkor and Tonle Sap
- The specificity of Angkor: “Les monuments d’Angkor, qui datent en partie du dixième siècle et dont la construction semble avoir été interrompue brusquement au quatorzième siècle, représentent une phase particulière de la religion bouddhique, alors que sous l’influence directe de l’Inde et de Ceylan, se croisaient les mythes de Brahma, de Siva, de Vichnou, de Rama et ceux de la « Grande Doctrine » : parmi les statues et les bas-reliefs qui ornent les monuments d’Angkor, il en est beaucoup qui représentent Brahma aux « quatre têtes », la trimourti, les personnages et les scènes des épopées hindoues ; on y retmuve aussi les traces du culte des serpents : la naga aux sept tetes est un des motifs les plus communément employés. Les inscriptions des temples restèrent longtemps indéchiffrables, mais heureusement que plusieurs de ces monuments épigraphiques sont bilingues: le sanscrit, langue sacrée, était employé par les bâtisseurs a côté de l’idiome vulgaire. Grâce à cette circonstance, Kern en Europe et Aymonier au Cambodge ont réussi à interpréter diverses inscriptions, qui constatent l’influence de la civilisation de l’Inde à cette époque de l’histoire du peuple khmer: le plus ancien de ces documents date de l’an 667 de l’ère vulgaire. Les traditions mélangées de l’architecture hindoue se retrouvent aussi dans les temples du Cambodge; mais elles se sont fondues en un ensemble harmonieux: l’art khmer, que l’on peut apprécier en France par les fragments du musée Delaporte à Compiègne, a désormais son rang parmi les styles qui ont donné naissance à des oeuvres considérables. Les avenues bordées de géants ou d’animaux fantastiques, les escaliers que gardent des lions, les terrasses et les galeries peuplées de statues, les péristyles à piliers ouvragés, les voùtes ogivales, les pyramides à étages, toutes ornées de sculptures en forme d’éventail, se succèdent à perte de vue: une simple porte, un pilier, émerveillent par le fini du détail, l’originalité des arabesques, et pourtant l’ordonnance générale est d’une étonnante simplicité; nulle part, la richesse de l’ornementation né devient confusion, comme en tant de monuments de l’Inde Cisgangétique. Les herbes folles, les guirlandes de lianes, les forêts mêmes qui se sont emparées des édifices, soit pour en desceller les marches, soit pour en déjeter les colonnes et les statues ou pour embrasser les tours, ajoutent à la beauté de ces temples déserts. Quand on aborde par l’avenue des Géants l’enceinte de la cité proprement dite, Angkor la Grande, et qu’on aperçoit les tours se dressant au-dessus de la haute enceinte et de ses portes triomphales, on apprend à respecter le peuple khmer d’autrefois et l’on espère dans l’avenir de ses descendants.”(p 897) [“The monuments of Angkor, which date in part from the tenth century and whose construction seems to have been interrupted abruptly in the fourteenth century, represent a particular phase of the Buddhist religion, when under the direct influence of India and Ceylon, the myths of Brahma, Siva, Vishnu, Rama and those of the “Great Doctrine” intersected: among the statues and bas-reliefs which adorn the monuments of Angkor, there are many which represent Brahma to the ” four heads”, the trimurti, characters and scenes from Hindu epics; there are also traces of the cult of serpents: the seven-headed naga is one of the most commonly used motifs. The inscriptions of the temples remained indecipherable for a long time, but Fortunately, several of these epigraphic monuments are bilingual: Sanskrit, a sacred language, was used by the builders alongside the vulgar idiom.Thanks to this circumstance, Kern in Europe and Aymonier in Ca mbodge have managed to interpret various inscriptions, which note the influence of the civilization of India at this time in the history of the Khmer people: the oldest of these documents dates from the year 667 of the vulgar era. The mixed traditions of Hindu architecture are also found in the temples of Cambodia; but they melted into a harmonious whole: Khmer art, which can be appreciated in France through the fragments of the Delaporte museum in Compiègne, now has its place among the styles which gave birth to considerable works. The avenues lined with giants or fantastic animals, the staircases guarded by lions, the terraces and galleries populated with statues, the peristyles with ornate pillars, the ogival vaults, the stepped pyramids, all adorned with sculptures in the shape of range, follow one another as far as the eye can see: a simple door, a pillar, amaze with the finish of the detail, the originality of the arabesques, and yet the general arrangement is of astonishing simplicity; nowhere does the richness of ornamentation become confusing, as in so many monuments of Cisgangetic India. The weeds, the garlands of lianas, the very forests which have taken possession of the buildings, either to loosen the steps, or to throw down the columns and statues or to embrace the towers, add to the beauty of these deserted temples. When one approaches the enclosure of the city itself, Angkor the Great, via the Avenue of the Giants, and sees the towers rising above the high enclosure and its triumphal gates, one learns to respect the people. Khmer of yesteryear and we hope in the future of his descendants.”]
- The decline of the Angkorean civilization: “D’autres ruines de temples, de forteresses, de cités, se rencontrent en mille endroits dans la région de collines qui remplit l’espace triangulaire compris entre le Mékong et la rive orientale du Grand Lac :là, chaque «haut lieu » portait son temple, et les explorateurs Delaporte, Ratte, Aymonier en ont pu voir les restes magnifiques. Au sud du lac, on a reconnu d’autres débris appartenant à une civilisation plus ancienne, des objets de l’âge de pierre, poteries, flèches, instruments en métal, mêlés à des ossements d’hommes et d’animaux. (…) “L’assèchement graduel de la contrée est probablement la principale cause de la dépopulation graduelle du pays: les eaux se sont retirées d’Angkor et des cités voisines, le golfe s’est changé en lac et se transforme maintenant en marécnge. Les groupes d’ habitation actuels sont des amas de cabanes et des cités lacustres érigées sur des plates-formes de bambou et defendus contre les esprits par un parasol orné de fleurs et d’une noix de coco.” (p 898) [“Other ruins of temples, fortresses, cities, are found in a thousand places in the region of hills which fills the triangular space between the Mekong and the eastern shore of the Great Lake: there, each “high place” bore its temple, and the explorers Delaporte, Ratte, Aymonier were able to see its magnificent remains. South of the lake, other remains belonging to an older civilization were recognized, objects from the Stone Age, pottery, arrows , metal instruments, mixed with the bones of men and animals. (…) “The gradual drying up of the region is probably the main cause of the gradual depopulation of the country: the waters have withdrawn from Angkor and neighboring cities, the gulf has changed into a lake and is now being transformed into a marsh. The present dwelling groups are clusters of huts and lake cities erected on platforms of bamboo and defended against the spirits by a parasol adorned with flowers and a coconut.”]
- Tonle Sap: “Des documents chinois, qui datent du commencement de l’ère vulgaire, parlent du Grand Lac comme d’un golfe baignant les tours de Banon, près de Battambang (…) Suivant les saisons, un phénomène de va-et-vient s’établit entre le courant du fleuve et le réservoir. Pendant la période d’inondation, de juin à octobre, la coulée qui se porte vers le lac et dont la longueur est d’environ 5 kilomètres, verse le trop-plein du courant fluvial — large de 500 et en certains endroits de 1500 mètres -, assez profonde pour recevoir les vaisseaux de guerre; elle remplit le réservoir, mais dans la saison des sécheresses il se fait un mouvement de retour, le lac se vide peu à peu et la coulée reflue vers le Mekong pour descendre au sud-est par la branche maritime. Empli, le Grand Lac s’étend sur une longueur d’au moins 110 kilomètres et sa largeur moyenne est d’environ 25 kilomètres, la profondeur, à peu près uniforme, est de 12 à 14 mètres; lors ·des sécheresses, le bassin, presque vidé, a seulement quelques décimètres d’eau, un mètre et demi dans les endroits les plus creux, et ses plages sont temporairement asséchées ; il occupe alors une superficie d’environ 260 kilomètres carrés, le sixième de la smface de crue. C’est à plus de 55 milliards de mètres cubes que l’on peut évaluer le volume apporté dans le réservoir par la crue du fleuve : les inondations dans la région du delta sont allégées d’autant. En se déversant dans le Tonlé-sap, le Mekong entraîne aussi des boues, qui colmatent graduellement le fond et finiront par l’exhausser au niveau de la terre ferme; la plaine tantôt asséchée, tantôt marécageuse, qui sert de vestibule au bassin lacustre, porte le nom cambodgien très juste de Veal p’oc ou « Plaine de Boue ».” [“Chinese documents dating from the beginning of the vulgar era describe the Great Lake as a gulf bathing the towers of Banon, near Battambang (…) According to the seasons, a phenomenon of back and forth is established between the current of the river and the reservoir. During the period of flooding, from June to October, the flow which goes towards the lake and whose length is approximately 5 kilometers, pours the overflow of the current fluvial — 500 meters wide and in some places 1,500 meters — deep enough to receive warships; it fills the reservoir, but in the dry season there is a return movement, the lake empties little by little and the flow flows back towards the Mekong to descend to the south-east by the maritime branch. Filled, the Great Lake extends over a length of at least 110 kilometers and its average width is about 25 kilometers, the depth, about almost uniform, is 12 to 14 meters; during droughts, the basin, almost emptied, has only a few decimeters of water, a meter and a half in the deepest places, and its beaches are temporarily dry; it then occupies an area of about 260 square kilometres, one-sixth of the flood surface. It is at more than 55 billion cubic meters that we can evaluate the volume brought into the reservoir by the flooding of the river: the floods in the delta region are reduced by as much. By flowing into the Tonlé-sap, the Mekong also carries along mud, which gradually clogs the bottom and eventually raises it to the level of the mainland; the sometimes dry, sometimes marshy plain, which serves as a vestibule to the lake basin, bears the very apt Cambodian name of Veal p’oc or “Plain of Mud”.]
- The waning of the Great Lake: “A 300 kilomètres de la mer, sur les bords du Grand Lac, se trouvent des gisements de sel marin que les indigènes exploitaient, mais qu’ils ont ahandonnés à mesure que la terre se dessalait. Les eaux, qui remplissaient autrefois la cavité du golfe furent peu à peu séparées de la mer par le Mekong, qui projétait au devant de l’entrée sa manne d’alluvions. En outré, la crue fluviale, entraînée par la pente vers la cavité lacustre, la transforma graduellement en un bassin d’eau douce; toutefois nombre d’espèces marines vivent encore dans ce lac, marsouins, raies, hippocampes… D’après les évaluations de M. Boulangier, qui d’ailleurs paraissent singulièrement exagérées, c’est pendant les temps historiques, huit ou dix siècles avant la génération présente, que le Tonlé-sap aurait encore fait partie de la mer, et dans deux siècles au plus il devrait cesser d’exister.” (pp 853 – 5) [“300 kilometers from the sea, on the shores of the Great Lake, there are deposits of sea salt which the natives exploited, but which they abandoned as the earth became desalinated. The waters which once filled the cavity of the gulf were gradually separated from the sea by the Mekong, which projected its manna of alluvium in front of the entrance. In addition, the river flood, carried by the slope towards the lacustrine cavity, gradually transformed it into a basin of freshwater. However, many marine species still live in this lake, porpoises, rays, seahorses... According to Mr. Boulangier’s assessments, which moreover seem singularly exaggerated, it was during historical times eight or ten centuries before the present generation, that the Tonlé-sap would still have been part of the sea, and in two centuries at most it should cease to exist.”]
Colonial Indochina
- Khmer and Annamese: “Les pratiques religieuses des Khmer né sont pas de pures formalités comme celles de la plupart des Indo-Chinois; le mariage est plus respecté que chez les Annamites : l’opinion publique condamne tout homnie qui, arrivé à un certain âge, n’est ni bouze ni marié. Les femmes sont fidèles, mais fières et jalouses. Quoique les Annamites, en leur qualite de conquérants, affectent de mépriser les Khmer, ceux-ci, qui parlent encore avec orgueil du Maha nocor ou «Grand royaume» de leurs ancêtres, considèrent les Cochinchinois comme appartenant à’ une race inférieure, et rarement Cambodgienne prend un Annamite pour mari; presque tous les métis sont d’origine cambodgienne par le père, annamites par la mère.” [Khmer religious practices are not pure formalities like those of most Indo-Chinese people; marriage is more respected than among the Annamese: public opinion condemns any man who, having reached a certain age, is neither bouze nor married. Women are faithful, but proud and jealous. Although the Annamites, in their capacity of conquerors, affect to despise the Khmer, the latter, who still speak with pride of the Maha nocor or “Great Kingdom” of their ancestors, consider the Cochin-Chinese as belonging to an inferior race, and rarely Cambodian woman takes an Annamite for husband; almost all the mestizos are of Cambodian origin on the father’s side, Annamese on the mother’s.”]
- A colonial budget heavily funded on taxes on gambling, opium and on poor villagers:
“Budget de la Cochinchine française en 1882 :
Budget colonial.….…4 990 000 francs.
Budgets locaux .…..10 868 000 francs.
Ensemble.….….…..21 858 000 francs.
Principales sources de revenu :
Jeux et opium.….….….….….……4 280 000 francs.
Salines.….….….….….….….….…5 428 000 francs.
Taxes sur les villages.….….….……2 273 800 francs.
Taxes sur les Asiatiques étrangers…1 005 400 francs.
Principales dépenses :
Administration civile et militaire…10 000 000 francs.
Travaux publics.….….….….….…..5 400 000 francs.”
About Reclus’ sources: 1) Henri Mouhot’s Travels… is often quoted, always in its English edition. 2) For the description of Cambodia, official colonial reports, the mission reports of E. Aymonier, F. Garnier, J. Moura, German anthropologist A. Bastian, yet also travelogues and monographies by lesser-known authors, such as Ricard’s Excursions et Reconnaissances, Dutreuil de Rhins’s Notes, J. Silvestre’s Guide de l’explorateur dans le bassin du Cambodge, A.T. Mondiere’s Monographie de la femme de la Cochinchine, etc. 4) Practically all engravings illustrating the pages on Cambodia, Cochinchina and Annam were drawn from photographs by Emile Gsell.
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About the Author
Élisée Reclus
Jacques Élisée Reclus (15 Mar 1830, Sainte Foy la Grande, France – 4 July 1905, Torhout, Belgium) was a renowned French geographer, writer and anarchist, a free-thinker advocating for ‘unions libres’ and nudism, whose monumental work in 19 volumes, La Nouvelle Géographie universelle, la terre et les hommes (“Universal Geography”), published from 1875 to 1894, granted him the Gold Medal of the Paris Geographical Society, even if he had been banished from France because of his political views.
An ardent supporter of the Commune de Paris in 1871, Reclus clashed with the French establishment on various political and social issues, finally settling down in Belgium. His research work on “the earth and its inhabitants” was recognized with the British Gold Medal of the Royal Geographic Society in 1894.
Note: regarding Indochina, it has to be noted that Reclus referred to the English edition of Henri Mouhot’s Travels, rather than to the French one.